Les échanges entre le gouvernement espagnol et l’Union européenne à propos de la taxation de l’électricité marocaine se poursuivent. Depuis la mise en service de la centrale à charbon de Safi, le Maroc exporte chez son voisin ibrique une électricité bon marché. Or, l’Espagne juge que cette énergie représente une concurrence déloyale pour ses propres producteurs, pour la raison qu’elle n’est pas soumise à la taxe carbone en vigueur dans l’UE. Depuis des semaines, le gouvernement ibérique cherche un moyen de freiner ces importations.
En avril dernier, la ministre espagnol de la Transition énergétique, Teresa Ribera, s’était rendue à Bruxelles pour plaider la cause des entreprises espagnoles. Elle avait notamment fait valoir que “les usines espagnoles à combustibles fossiles sont potentiellement désavantagées en termes de compétitivité, car elles doivent supporter les coûts des émissions de CO2”. Elle appelait à la protection de l’UE contre cette énergie moins chère, mais plus polluante.
L’Espagne insiste
Le 5 mai, le commissaire européen à l’Énergie Miguel Arias Cañete répondait par une lettre dans laquelle il indiquait la “possibilité d’utiliser une ‘clause d’entrée’ prévue dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui permet de recourir à des dispositions fiscales dans le domaine de la protection de l’environnement de l’Union européenne”. En revanche, Arias Cañete conseillait à la ministre de faire une croix sur l’idée d’une taxe transfrontalière, car une telle loi repose sur une décision unanime des États-membres.
Selon le quotidien espagnol El Pais, la réponse est arrivée le 20 mai dernier dans une lettre signée de Teresa Ribera et de María Jesús Montero, ministre espagnole des Finances. La requête s’adresse à Arias Cañete et à Pierre Moscovici, commissaire européen aux Finances, et insiste sur la nécessité d’un impôt antipollution appliqué aux frontières de l’UE. “Si l’Europe finit par importer des biens produits dans des conditions climatiques moins strictes, les émissions que nous évitons seront compensées, voire dépassées, par celles générées dans les pays où les biens sont fabriqués”, souligne la missive.
Comme un droit de douane?
L’idée espagnole est que la nouvelle taxe ne s’applique pas seulement à l’énergie, mais à tous les services ou produits fabriqués à parti d’une énergie carbonisée. Mais la mesure pose un problème ambiguïté. En effet, ainsi généralisé, cet impôt ressemblerait à un nouveau droit de douane et pourrait susciter l’inquiétude des partenaires économiques de l’UE.
“Nous sommes conscients de la complexité d’une taxe sur les émissions transfrontalières de carbone et les défis qui peuvent surgir dans les débats de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), concèdent Ribera et Montero. Cependant, des rapports récents indiquent que, si elles sont bien conçues, les mesures commerciales visant à réduire les émissions sont réalisables et peuvent être efficaces”.
Comment le Maroc percevrait-il l’instauration d’une taxe sur l’électricité produite sur son territoire, alors même que, le 16 janvier dernier, l’Union européenne et le Royaume entendaient ouvrir un “nouveau chapitre de leur relation” après la validation par le parlement d’un nouvel accord de libre échange agricole incluant le Sahara ?