A Alger, un fort déploiement policier a empêché les manifestants de se rassembler sur le parvis de la Grande Poste, point de ralliement de la contestation dans le centre de la capitale, et de se diriger vers l’Assemblée nationale et le tribunal, étapes prévues du cortège.
Les étudiants se sont donc rendus devant le Palais du gouvernement, siège des services du Premier ministre et du ministère de l’Intérieur, bouclé par les forces de l’ordre.
Devant le bâtiment, de brèves échauffourées ont éclaté entre étudiants et policiers qui ont fait usage de matraques et gaz lacrymogène. Les manifestants ont finalement fait demi-tour et ont défilé jusqu’en milieu d’après-midi dans les rues du centre d’Alger, selon un journaliste de l’AFP.
“Pas d’élections, bande de mafieux”, “un Etat civil, pas un Etat militaire”, ont-ils notamment scandé. Plusieurs slogans ont visé directement le chef d’état major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, appelé à “dégager” ou qualifié de “traître”.
Selon plusieurs médias algériens, dont l’agence de presse officielle APS, des étudiants ont aussi manifesté dans au moins une douzaine de villes universitaires, notamment à Oran et Constantine, 2e et 3e villes du pays.
Devenu de facto l’homme fort du pays depuis la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans au pouvoir, sous les pressions de la rue et de l’armée, le général Gaïd Salah a appelé les Algériens à faire corps avec l’armée pour empêcher l’“infiltration” du mouvement de contestation dont l’Algérie est le théâtre depuis le 22 février.
Le peuple algérien se doit “de faire preuve d’une extrême vigilance, de s’unir avec son armée et de ne pas permettre aux instigateurs de plans pernicieux de s’infiltrer dans les rangs du peuple”, a estimé le général Gaïd Salah dans ce deuxième discours prononcé en deux jours lors d’une visite sur le terrain.
La veille, il avait à nouveau opposé une fin de non-recevoir aux deux principales revendications du mouvement de contestation, en demandant la tenue de la présidentielle le 4 juillet pour élire un successeur à M. Bouteflika et en estimant “irraisonnable” et “dangereux” la revendication d’un départ préalable des personnalités du “système” au pouvoir – dont il fait lui-même partie.
La tenue du scrutin empêchera un “vide constitutionnel” porteur de “dangers (…) aux conséquences désastreuses”, avait-il estimé en mettant déjà en garde contre “l’infiltration” d’individus “ayant des plans suspects” et qui “utilisent les manifestations (…) pour transmettre certaines revendications irrationnelles” telles que le départ des “symboles du système”.
Le général Gaïd Salah a également défendu le 21 mai les nombreuses procédures judiciaires ouvertes dans des affaires de corruption et visant surtout contre des personnalités et des hommes d’affaires liés à Abdelaziz Bouteflika et son entourage.
Elles sont “fondées sur des informations précises et confirmées et sur de nombreux dossiers (…) aux preuves irréfutables”, a-t-il martelé, alors que ses détracteurs l’accusent d’influencer la justice.
De nombreux observateurs craignent que ces procédures servent le double objectif d’offrir des “têtes” à la contestation – qui fustige les “voleurs” à la tête de l’Etat – tout en facilitant une purge dans le cadre de luttes de clans au sein du pouvoir.