Le procès de Khadija, la mineure qui aurait été kidnappée, séquestrée, violée, tatouée et torturée par un groupe d’hommes durant l’été 2018 à Ouled Ayad, s’est ouvert le 29 avril dans la plus grande discrétion. Le juge de la chambre criminelle de la Cour d’appel de Béni Mellal a alors décidé d’ajourner le procès au 21 mai, “car Khadija n’était pas présente, mais aussi pour permettre aux deux parties de préparer leur dossier”, nous précise maître Brahim Hachane, avocat de la jeune fille.
A l’issue de l’instruction, le parquet a décidé de poursuivre 12 personnes dans cette affaire, tandis qu’un 13e accusé a bénéficié d’un non-lieu. “10 accusés sont poursuivis en état d’arrestation tandis que les deux autres sont poursuivis en état de liberté”, nous confie Brahim Hachane. Dans un dossier à part, un mineur est à son tour poursuivi pour sa présumée implication dans l’affaire, ajoute l’avocat.
Certains accusés encourent la peine de mort
Les 10 personnes poursuivies en état d’arrestation sont notamment accusées de “tortures”, “association de malfaiteurs”, “enlèvement et séquestration”, “viols sur mineure”, ou encore “traite d’êtres humains”, énumère l’avocat de la jeune fille. Pour ce qui est des deux accusés en état de liberté, le premier est poursuivi pour “viols sur mineure”, et le deuxième pour “non-dénonciation d’un crime”. Toujours selon Me Hachane, le mineur poursuivi séparément des douze autres prévenus est accusé de “viol sur mineure”, “attentat à la pudeur avec violence” et “non-dénonciation d’un crime”. Son procès en est à sa quatrième audience et la prochaine a été fixé au 11 juin prochain.
D’après les deux premiers alinéas de l’article 436 du Code pénal, “sont punis de la réclusion de cinq à dix ans, ceux qui, sans ordre des autorités constituées et hors le cas où la loi permet ou ordonne de saisir des individus, enlèvent, arrêtent, détiennent ou séquestrent une personne quelconque. Si la détention ou la séquestration a duré trente jours ou plus, la peine est la réclusion de dix à vingt ans”. “Si la personne enlevée, arrêtée, détenue ou séquestrée a été soumise à des tortures corporelles, les coupables sont, dans tous les cas prévus aux articles précédents, punis de mort”, précise l’article 438.
Pour ce qui est de la traite d’êtres humains, les accusés encourent jusqu’à 20 ans de prison et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de dirhams “lorsque l’infraction est commise sous la menace de mort, de voies de fait, de torture, de séquestration ou de diffamation” (article 448-3).
L’attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violences sur une personne mineure “le coupable est puni de la réclusion de dix à vingt ans”, selon l’article 485. La sentence est la même pour le viol sur mineure (article 486).
Khadija, “prisonnière de l’affaire”
Fin août, l’affaire de Khadija a éclaté au grand jour suscitant l’indignation de l’opinion publique. Au micro de Chouf TV, la jeune fille de 17 ans racontait avoir été kidnappée, séquestrée, violée, tatouée et torturée par plusieurs hommes durant deux mois à Ouled Ayad, dans la région de Béni Mellal. Un récit glaçant que Khadija va détailler dans sa déposition à la police judiciaire. L’affaire a suscité un vif émoi. L’opinion publique a notamment été partagée entre le mouvement de solidarité autour de la jeune fille et les doutes sur la véracité de son récit.
“Durant des mois, elle a souffert de l’acharnement de certains médias, donc forcément ça laisse des séquelles. Je la vois souvent, et elle est toujours fatiguée psychologiquement, car elle se sent prisonnière d’une situation qui la dépasse”, nous raconte Nourredine Essaâdi coordinateur du comité de soutien de Khadija et voisin de la jeune femme.
“Pour le moment, elle attend avec impatience que la justice lui donne raison afin qu’elle puisse construire son avenir”, ajoute-t-il. La jeune fille était suivie durant quelques mois par une psychologue. Cette dernière “a décidé au fur et à mesure d’espacer les rendez-vous de Khadija et aujourd’hui elle n’y va plus. Le choc a été dépassé, mais malheureusement la douleur est encore là”, confie une bénévole proche de Khadija. Pour ce qui est des aides à la famille de Khadija, “elles se font rares, même le compte que son père a ouvert a été fermé”, nous précise Nourredine Essaâdi.