Connu pour son ton critique, M. Bouachrine, 50 ans, a été condamné en première instance à 12 ans de prison pour « traite d’êtres humains« , « abus de pouvoir à des fins sexuelles« , « viol et tentative de viol » envers huit plaignantes, accusations qu’il a toujours niées, dénonçant un « procès politique« . Dans un courrier envoyé à Agnès Callamard, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, l’avocat britannique Rodney Dixon, conseil de M. Bouachrine, l’enjoint à « demander aux autorités marocaines l’accès au téléphone » confisqué de son client.
L’enquête sur le meurtre de Jamal Khashoggi pourrait selon cet avocat, « avoir de grandes répercussions pour tous les journalistes qui dénoncent les abus et les violations des droits de l’homme« . Dans un communiqué, qui reprend les grandes lignes de sa lettre, il est précisé que « dans un échange de messages » entre octobre 2017 et janvier 2018, le journaliste Jamal Khashoggi, tué en octobre 2018 dans l’enceinte du consulat saoudien à Istanbul, « avait appelé Taoufik Bouachrine à la plus grande prudence après ses articles sur Mohammed Ben Salmane« , le prince héritier d’Arabie saoudite.
« Tout en l’exhortant à ne pas se rendre en Arabie Saoudite il l’avertissait qu’il était en danger d’être assassiné« , alors que « lui-même se savait menacé mais se pensait en sécurité aux Etats-Unis« , est-il précisé dans le texte. « Les messages contenus dans le téléphone contribueraient à l’enquête menée par Agnès Callamard » sur la disparition de M. Khashoggi, selon le communiqué. En 2017 et 2018, Taoufik Bouachrine, directeur du journal Akhbar Al-Yaoum, a « publié une série d’articles critiques à l’égard du prince héritier d’Arabie Saoudite« , est-il rappelé dans le texte.
Jugé en grande partie à huis clos après son arrestation spectaculaire dans les locaux de son journal à Casablanca, il avait dénoncé un « procès politique« . Son procès en appel s’est ouvert en avril. Dans un avis rendu en janvier, le groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits humains des Nations unies avait appelé à sa libération immédiate, stigmatisant une détention « arbitraire » et un « harcèlement judiciaire » sous-tendu par une insuffisance de preuves et de témoignages à charge.
Le ministre de la Justice Mohamed Aujjar avait reproché au groupe de travail de négliger « les accusations des plaignantes » et de « confisquer leurs droits« . Les autorités ont toujours mis en avant « l’indépendance de la justice« , affirmant que M. Bouachrine n’était pas jugé pour ses écrits.