Non au silence”, clamait une horde d’adolescents, pancartes floquées de mèmes acerbes, de hashtags #MeToo et de photomontages 2.0 à la main, devant le bureau du proviseur du Lycée Victor Hugo de Marrakech le 15 mai. À la tête du lycée français depuis quatre ans, Hervé Magot est accusé par une quinzaine d’élèves de harcèlement sexuel. D’après des sources proches du dossier, le proviseur a été suspendu par la direction de l’AEFE. Une mesure administrative provisoire “en attendant d’en savoir plus” .
“De nombreuses personnes ont souffert, majoritairement des jeunes femmes : des élèves et des professeures. Aujourd’hui je dis non. (…) Non aux mains qui se baladent, les mains qui touchent le haut de votre poitrine, le bas de vos reins, non aux anecdotes sexuelles, non aux convocations sans réels motifs, non aux allusions sexuelles, non aux questions déplacées, non aux remarques déplacées, non à l’inaction, non à cette demi-mesure, non au silence”. C’est le mail que des parents d’élèves ont reçu de la part d’une élève en terminale littéraire, en début de semaine. Des mots qui ont libéré la parole.
Le proviseur du Lycée français Victor Hugo à #Marrakech aurait du mal à controler ses mains et sa langue visiblement. #MeToo @aefeinfo #AEFE pic.twitter.com/3qq09YNLqX
— Farah Nadifi (@FFafou) May 15, 2019
“Une élève avait déjà entrepris des démarches auprès des autorités locales l’année dernière, à cause de monsieur Magot, mais rien n’avait abouti. On ne l’avait pas prise au sérieux”, explique Qamar M., qui fait partie du Conseil de vie lycéenne (CVL). Depuis quelques jours, elle reçoit plusieurs témoignages, souvent anonymes, de jeunes filles qui auraient été harcelées par Hervé Magot. “À chaque fois, l’histoire est la même : le proviseur convoque l’élève pour un motif flou, ferme la porte à clef, commente son physique ou ses vêtements et la touche”, explique Driss A. président du CVL, à l’origine de la manifestation lycéenne, soutenue par de nombreux parents d’élèves.
Un comportement “étrange”
“À l’heure actuelle, il est impossible d’annoncer si les faits sont réels. On ne sait pas si une plainte est déposée (des deux parties) et donc à ce stade, c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre (harcèlement ou diffamation)”, indique l’Union du conseil des parents d’élèves (UCPE). Selon l’UPCE, le proviseur a démenti toutes les accusations. “Le proviseur habite au lycée, pourtant, depuis l’affaire, sa voiture n’est plus là. Aucun signe, rien. Certains avancent qu’il serait parti en France”, note Driss Alaoui.
Les élèves parlent d’un proviseur au comportement “étrange”. “C’est difficile de se rendre compte que c’est du harcèlement sexuel au début. On se dit juste qu’il a des gestes déplacés, des paroles gênantes, des réactions bizarres. Mais quand on en parle entre nous, on comprend la gravité de la chose,” raconte Qamar M.
À la demande du proviseur adjoint, le conseiller culturel de l’Ambassade de France à Rabat se rendra demain, vendredi 17 mai, à Marrakech pour rencontrer les élèves, les représentants des associations de parents et les enseignants pour “discuter et utiliser tous les moyens démocratiques pour éclaircir et régler cette affaire”.