Dans une récente analyse publiée le 6 mai par Tafra, le centre de recherche marocain étudie les logiques et raisons qui poussent les citoyens marocains à s’acquitter de leurs impôts. Une question qui apparaît intimement liée à la nature de la relation qui lie l’État aux citoyens, indique l’étude.
“Les résultats identifient des corrélations significatives entre le consentement à l’impôt au Maroc d’une part et la confiance vis-à-vis des institutions, la perception de la corruption et le traitement égalitaire des citoyens d’autre part”, relève Younès Benmoumen, président cofondateur de Tafra, et auteur de l’étude.
Trois constats sont établis en ce sens. D’abord, la corrélation avec la perception de la corruption : “plus les citoyens perçoivent la corruption comme élevée, plus la probabilité du consentement décroît”. L’étude note aussi que le consentement croît proportionnellement au sentiment de voter librement. Enfin, plus un citoyen manifeste, plus la probabilité du consentement décroît.
“Lorsque l’on pose la question du consentement en tant que comportement idéal dans un système démocratique, la confiance envers les institutions et le fait de voter sont des marqueurs significatifs des répondants qui consentent à l’impôt”, résume l’étude.
Disparités régionales et légitimité politique
Comparé à d’autres pays africains, le consentement à l’impôt est relativement maigre au Maroc.
Dans cette étude qui suit la méthodologie formulée par Merima Ali notamment, Tafra pousse en proposant une étude à l’échelle des différentes régions au Maroc. La moyenne des attitudes de consentement s’établit à 38,75% des répondants, avec d’importantes divergences régionales. La région de Guelmim-Essemara révèle les plus faibles niveaux d’attitudes de consentement fiscal (6,25%), celle de l’Oriental, le taux le plus élevé (62.5%). À côté, l’attitude de non-consentement, visant à dire “ne pas payer est compréhensible”, montre de forts chiffres d’adhésion dans le Royaume. Ainsi, ils sont près de 80% dans la région de Tanger-Tétouan à comprendre le non-consentement fiscal, et 87,5% dans la région Laâyoune-Boujdour-Sakia EL Hamra.
Ce précédent tableau indique que “lorsque les citoyens sont en mesure de faire le lien entre les impôts prélevés et la dépense publique, ils seraient plus enclins au consentement”. Au contraire, lorsque les dépenses publiques semblent déconnectées de leurs attentes, le consentement fiscal semble diminuer.
C’est aussi ce que constate TelQuel, via un questionnaire proposé sur sa plateforme de débat participatif Sawty.ma dans le cadre d’une consultation intitulée “Vos propositions pour un impôt plus juste”, 71% des personnes ayant répondu aux questionnaires déclarent qu’ils consentiraient à payer plus d’impôts s’ils percevaient une amélioration de la qualité des services publics. En outre, 87% estiment que leurs impôts ne sont pas utilisés à bon escient par l’Etat.
Néanmoins, 63,6% des internautes interrogés considèrent que la fraude fiscale devrait être punie par des peines privatives de libertés et 66,2% déclarent avoir le sentiment d’accomplir un acte citoyen lorsqu’ils payent leurs impôts.
“Ces considérations ne doivent cependant pas masquer l’idée finalement dominante de cette étude (…) Ce qui donne le droit à l’État de prélever l’impôt, c’est la qualité de la relation qu’il entretient avec ses citoyens”, conclut Younès Benmoumen. Dans ce sens 50 des personnes interrogées par TelQuel jugent mauvaise leur relation avec l’administration fiscale.