Thomas est très choqué par cette histoire. Il souhaite remettre du calme dans sa vie. Il faut le laisser tranquille maintenant.” C’est une mère las qui nous répond au téléphone. Las, mais heureuse. Son fils, Thomas Gallay, est rentré au bercail après avoir passé quelques années derrière les barreaux au Maroc, puis en France. Sa cheville sera désormais enserrée d’un bracelet électronique.
Arrêté à Essaouira où il s’était installé en 2014, Thomas Gallay avait été condamné en juillet 2016 à six ans de prison pour “soutien financier à des personnes en vue de la commission d’actes de terrorisme”, “tenue de réunions publiques sans déclaration préalable” et “organisation d’activités au sein d’une association non déclarée”. L’ingénieur en microtechnologies n’était pas seul à la barre : huit autres accusés marocains avaient été eux aussi condamnés à des peines allant de quatre à dix-huit ans de prison. Tous issus d’une cellule terroriste dirigée par le jihadiste Mailinine Lassir.
Les procès-verbaux révélés lors de la comparution de Thomas Gallay en 2017 affirment qu’il s’est converti à l’islam en 2014, qu’il soutient l’organisation Etat islamique et qu’il a donné 70 euros à Mailinine Lassir, à qui il prêtait aussi son ordinateur. Gallay a “donné des orientations et prodigué des conseils au chef de la cellule en vue de sécuriser ses connexions sur le net, manifestant sa prédisposition à produire des vidéos propagandistes semblables à celles de Daech”, déclarait les enquêteurs au Desk.ma en 2017.
Des procès verbaux signés les yeux fermés
Selon ses proches et sa défense, assurée par l’avocat Frank Berton — personnage sulfureux au visage buriné et cheveux gominés que l’on surnomme “la madone des aéroports” pour sa défense inébranlable des Français à l’étranger — Thomas Gallay avait été accusé sur la base de “faux aveux” : les policiers auraient mené la garde à vue sans traducteur ni avocat et lui auraient fait signer un procès verbal en arabe, langue qu’il “ne sait pas lire”.
“La principale difficulté de ce dossier réside dans le fait que M. Gallay, a été condamné uniquement sur la base de déclarations devant les services de police judiciaire, bien que les procès-verbaux aient été rédigés en langue arabe, langue qu’il ne sait ni lire ni écrire, et alors même qu’il les ait réfutés devant le tribunal en le qualifiant de faux”, précise l’analyse du dossier de Thomas Gallay par Maître Berton.
“Ces procès-verbaux, dont il n’a jamais eu la traduction, font notamment état de sa conversion à l’Islam, ce qui est totalement faux. Des aveux de M. Gallay sont également consignés au sein de la procédure alors même que celui-ci n’a jamais tenu de tels propos. […] Du reste aucun interprète n’a été réquisitionné pour procéder à la traduction de ces procès-verbaux.” Pourtant, le PV d’audition, dans lequel Thomas Gallay admet s’être converti à l’islam et soutenir le groupe État islamique, mentionne que la déposition a été traduite de l’arabe vers le français par un officier de la police judiciaire avant qu’il ne la signe.
Émir aux yeux bleus ou erreur judiciaire ?
Sur le site de soutien à Thomas Gallay, fleurit de #soutienthomasgallay et d’articles de médias français (La Croix, Libération, Le Figaro…), un post intitulé “Comment peut on accuser un catholique de soutenir Daesh ?” attire l’oeil. “Thomas est catholique, comme en témoigne son extrait de Baptême, et la photo prise en juin dernier où il était témoin du mariage catholique de son meilleur ami (Eglise Saint-Martin, commune de Saint-Martin-d’Hères, Isère, prêtre : Père Marc Cholin)”, précise-t-on. Derrière ces mots, la mère, Béatrice Gallay, sans aucun doute. Extrait de baptême à l’appui.
“Le procès en appel a été très long, on était persuadé d’obtenir un acquittement mais les Marocains n’ont pas voulu reconnaître leur erreur…”, a déclaré, le 10 mai, Frank Berton dans les colonnes de Var Matin. Son client avait été transféré dans une prison française fin 2018, après que la mère de Thomas Gallay ait décroché un entretien avec Emmanuel Macron — elle s’était postée devant les grilles du fort de Brégançon, où le président français séjournait, avec une pancarte “Secours pour Thomas, otage au Maroc”. Intarissable, l’avocat a finalement obtenu devant une juridiction parisienne que son client bénéficie d’un placement sous bracelet électronique.
Erreur judiciaire de la part des autorités marocaines ou version unilatérale et ultra médiatisée véhiculée par les médias français ? Outre des“aveux” de la part de Thomas Gallay, la police avait saisi un lot d’armes avec minutions, des produits chimiques entrant dans la confection d’explosifs et des substances neurotoxiques, saisis dans une cache d’El Jadida, rappelle Le Desk, et dont Gallay “avait connaissance au vu de ses échanges avec le chef de la cellule”.