Après le HCP, la Cour des comptes et le ministère de l’Education, c’est au tour du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) de se pencher sur l’épineux sujet de la formation professionnelle. Avec son dernier rapport consacré essentiellement à la formation professionnelle initiale (FPI), rendu public le 26 avril, le conseil veut constituer un “cadre de référence stratégique et une feuille de route pour la refondation” du système de formation professionnelle.
“Nous avons mis deux ans pour préparer le rapport. Notre objectif était de sortir avec quelque chose de stratégique, qui donne de l’espoir dans la refondation de la formation professionnelle. Notre préoccupation principale était que nos recommandations soient réalisables. Pour ça, il fallait écouter tous les partenaires et les intervenants concernés”, nous explique Abdellatif Miraoui, président du groupe de travail du CSEFRS qui a préparé le rapport.
Des “dysfonctionnements structurels”
Le document de 132 pages commence par un état des lieux de la formation professionnelle au Maroc. Un secteur qui “souffre de dysfonctionnements structurels qui l’empêchent d’atteindre les objectifs escomptés”. Selon le CSEFRS, 494.472 personnes se sont inscrites aux concours d’accès organisés dans le secteur public de la formation professionnelle, alors que le nombre de places proposées par les établissements de formation est de 343.255. Un nombre qui “reste globalement assez faible par rapport à la demande des candidats à la formation professionnelle”, selon le conseil.
Le rapport dénonce également un “modèle bâti sur la base d’une imbrication de types, de modes et d’approches de formation sans réelle cohérence ni véritable convergence entre eux”, l’“insuffisance des budgets octroyés, aggravée par une faible rationalisation et optimisation des ressources allouées” et le “manque de coordination” entre les différentes parties prenantes qui se manifeste par des “conflits d’intérêts dans le dispositif”.
Le CSEFRS déplore également un “déphasage avec la réalité des besoins économiques et sociaux sur les plans quantitatif et qualitatif” les auteurs du rapport en veulent pour preuve les taux d’insertion et d’emploi qui restent très bas, en comparaison avec l’enseignement général. Le rapport du Conseil relève en outre aussi la “persistance d’une image dévalorisante de la formation professionnelle, due en particulier aux difficultés que connaissent ses lauréats à s’insérer dans le marché de l’emploi”. Une telle situation met en exergue, selon le CSEFRS, l’urgence de la refondation du dispositif. Pour ce faire, le rapport propose “trois leviers d’intervention complémentaires”.
Une meilleure intégration dans l’école
Il s’agit d’abord de l’intégration de la formation professionnelle à l’enseignement général : ce qui implique un repositionnement de cette dernière dans le système éducatif national et l’adoption de nouveaux modes de gestion et de financement, ainsi qu’une refonte de son organisation pour créer une “meilleure synergie au sein du modèle pédagogique revisité de l’école marocaine”. “On devrait commencer par l’intégration de la formation professionnelle dans un dispositif d’ensemble, dans un cadre global de telle sorte que les jeunes puissent choisir un métier de manière volontaire et pas subie”, souligne Abdellatif Miraoui, président de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech. Selon lui, “le fait d’avoir des passerelles permet d’avoir des formations de sensibilisation tout au long de son parcours. A un moment, le jeune formé sait s’il est fait pour ce métier ou pas”.
Selon le rapport, les jeunes formés devraient avoir la possibilité de réintégrer un parcours scolaire ou universitaire général ou professionnel tout au long de leur vie. Les formations qui leur sont dispensées doivent aussi être en adéquation avec les besoins du marché du travail. “Nous savons plus ou moins les compétences dont nous aurons besoin. Il y a des formations qui ne seront bien sûr pas pérennes, mais il faudrait les rafraichir à chaque fois au gout des technologies actuelles. Par exemple, il n’y a plus d’intérêts à enseigner un microprocesseur qui date d’il y a 30 ans”, explique encore Abdellatif Miraoui.
Le rapport préconise également une offre de formation “nouvelle génération” avec des établissements aux missions élargies, des formations adaptées aux spécificités et besoins nationaux et régionaux ainsi que des programmes et des filières restructurées. Une “ingénierie de formation fondée sur l’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice des emplois et à l’amélioration de l’employabilité” est également citée parmi les recommandations. Enfin, le conseil estime que le modèle de financement actuel doit être revu de manière “à permettre l’implémentation d’une politique volontariste de développement de ce secteur”. Outre l’État, estime le CSEFRS, “les régions devront contribuer, dans le cadre de leur politique de développement régional, au financement du secteur”.