Assises de la startup: Récit d'un brainstorming géant

Le 26 avril, la Fédération Des technologies de l'information de télécommunication et de l'offshoring (APEBI) organisait au Technopark ses premières « assises des startups ». En présence de tous les acteurs du numérique au Maroc, l'événement n'a pourtant rien présenté de neuf, sauf sa forme. Un brainstorming géant.

Par

Saloua Karkri Belkeziz. Crédit: DR
La présidente de l'APEBI, Saloua Karkri-Belkeziz Crédit: DR

L’ambiance se veut « agile » ce 26 avril au Technopark. Sept tables rondes sont réparties dans la salle de conférence, correspondant à chacune des thématiques abordées à l’occasion de cette première « Assise des startups »: Fiscalité, économie, international, financement, talents & formation, juridique et gouvernance.

L’événement est marqué par la présence de tous les acteurs  du secteur numérique du pays. La présidente de l’APEBI, le directeur de l’Agence du développement digital, le vice-président de la CGEM, le directeur de la Commission Nationale de Contrôle de Protection des Données à Caractère Personnel et le secrétaire d’état chargé du numérique. Le Maroc du tout numérique était dans la salle de conférence du Technopark pour apporter son soutien au projet et participer aux assises.

Cependant, les assises ont tourné au brainstorming géant où les participants ont assisté à des ateliers de travail où ils devaient réfléchir à des propositions d’amélioration sur la future construction d’une startup nation marocaine. Différents ateliers de réflexion ont été organisés et ont nécessité la réflexion des conviés pendant plus de 2 heures. Une matinée interactive, qui laissait l’impression qu’en réalité, aucune décision de la part des instances représentées n’avait été actée, se reposant sur les participants pour obtenir des pistes de solution concernant les 7 thématiques du jour.

Viser la lune

Aucune mesure n’a donc été présentée lors de ces assises sauf via le vice-président de la CGEM, Fayçal Mekouar, qui avait présenté différentes mesures décidées par la CGEM en ce qui concerne les allègements fiscaux attribués aux startups. « Nous devons offrir à cette jeunesse entrepreneuse un régime fiscal favorable. Dans notre vision nous devons faire preuve d’une volonté de donner accès au financement, aux compétences et au marché. Nous proposons trois mesures fiscales spécifiques. Un taux de 20% libératoire sur l’impôt sur le revenu (IR) concernant les recrutements faits dans les 3 à 5 premières années. L’exonération de l’IR sur les indemnités de stages. Et enfin, un abattement ou exonération sur les stock-options des fondateurs de startups » explique Fayçal Mekouar. Excepté ces annonces, qui rentrent dans le cadre des propositions de la CGEM qui seront présentées les 3 et 4 mai prochains lors des assises de la fiscalité, aucune loi, aucun texte, aucune décision n’est annoncée.

Othman El Ferdaous, secrétaire d’état chargé du numérique, a annoncé la couleur d’entrée, en interpellant amicalement une délégation d’entrepreneurs tunisiens présents pour parler de la mise en place du « startup act » instauré dans le pays en avril 2018. « Vous avez lancé Sputnik, mais nous, on va aller sur la lune inchallah ! » lance-il. Cependant, pas de « startup act » marocain à l’horizon pour le moment.

« La nouvelle charte sur l’investissement est dans les mains du secrétaire général du gouvernement et a été envoyée à tous les départements ministériels. Nous avons traité toutes les observations et nous attendons les prochaines réunions avec tous les départements. A partir de là, une fois que le projet sera stabilisé, il va passer au conseil du gouvernement puis au conseil des ministres… » explique Othman El Ferdaous, faisant comprendre à l’audience de startupers habitués à avoir des process rapides et efficients que le « startup act » marocain ne sera pas immédiat. Deux mondes antagonistes qui essaient de communiquer mais se heurtent toujours à quelques difficultés entre les acteurs business de Casablanca et les élites politiques Rbatis.

Mais l’exercice de brainstorming peut également être  vu comme un bon moyen de faire émerger des idées de la part des concernés eux mêmes.

Les chantiers importants

Les sept thématiques ont été abordées par les participants, réfléchissant à des moyens d’améliorer chaque sujet. Mais pour les entrepreneurs présents, l’implantation d’un startup act marocain serait consolidé par une approche éducative différente. Selon eux, c’est le b.a.-ba d’une structure pérenne dans une transition technologique réussie.  Ces derniers se montraient cependant satisfaits et heureux des progrès effectués depuis les premières apparitions des startups au Maroc au début des années 2010.

Mehdi Alaoui, président du pôle startup de l’APEBI prononçait ses premiers mots à son entrée devant les conviés:  » Je suis heureux  » dit-il. Avant de poursuivre  » beaucoup de choses ont changé au Maroc depuis mes débuts mais ce n’est pas encore suffisant. Nous avons la capacité de bouleverser le monde, c’est donc primordial que la scène startup émerge fortement au Maroc. Nous n’avons pas de pétrole au Maroc, mais beaucoup de jeunes ».

Quand les institutionnels parlent de l’importance du numérique et de ses opportunités, les dirigeants rencontrés lors de l’événement mettent l’accent sur l’éducation qui doit se faire dès le plus jeune âge pour orienter les jeunes et leur offrir des possibilités. Ismaïl Bargach, rencontré lors des assises nous explique sa vision  » ce qui fait des startups, c’est un ensemble de beaucoup de choses en périphérie d’une autre primordiale, l’entrepreneur. Il faut des personnes avec des valeurs de compétition, de volonté de changement et cela doit être instauré dès l’école. Il faut transmettre la volonté d’entreprendre et je pense qu’elle n’est pas assez mise en avant au Maroc  » explique le jeune chef d’entreprise.

A son tour, Tarik Fadli, fondateur d’Algo Consulting Group nous explique que  » l’éducation est primordiale dans ce genre de cas. Aux états-unis, on voit des jeunes qui ont plusieurs boulots et qui apprennent déjà à vendre de la limonade pour se faire de l’argent de poche, ça commence comme ça. Il faut mettre dans la culture nationale la notion de l’entrepreneuriat ». Mais les entrepreneurs sont également d’accord sur le fait que malgré les efforts menés, il faut plus de moyen, plus de facilité fiscale, administrative et de meilleurs recours au financement.

« Quand vous avez à faire à des banques qui financent de l’immobilier ou de l’agriculture et que vous présenter un projet d’application qui peut modifier la société, nous ne sommes pas sur une base de confiance. Le financement est important pour le marocain, autant que l’accompagnement à l’international  » explique Tarik Fadli. Ces premières assises de la startup ont donc permis aux instances de récolter une multitude d’informations sur les besoins des entrepreneurs. En attendant l’annonce de mesures concrètes.