Selon l'OIM, près d'un migrant sur deux a été victime de mauvais traitement au Maroc

Un récent rapport de l'Organisation internationale pour les migrations épingle le Maroc, où 46% de migrants interrogés affirment avoir subi des dérives dans le Royaume. Selon l'organisation intergouvernementale, le Maroc est, avec l'Algérie, le pays de transit le plus dangereux pour les migrants et les réfugiés.

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Les migrants subsaharien prennant d'assaut la frontière de Melilia
AFP

Dans son récent rapport sur le contrôle des flux migratoires, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) révèle que 41% des migrants interrogés ont déclaré avoir été victimes de passages à tabac lors du parcours entrepris jusqu’à l’Espagne. 62% des cas rapportés de tabassage auraient eu lieu au Maroc, particulièrement à Nador, Tanger, Oujda, Rabat et Casablanca, indique le rapport. Des statistiques qui placent le Maroc loin devant l’Algérie (27%), la Libye (4%), ou encore le Mali (3%).

L’OIM a mené son étude auprès de 1.341 migrants et réfugiés originaires de 39 pays, et arrivés en Espagne au cours de l’année 2018. “Près de la moitié (48%) des personnes interrogées ont indiqué avoir connu au moins une expérience directe en lien avec la traite, l’exploitation ou la maltraitance en voyageant le long de l’itinéraire de la Méditerranée occidentale”, révèle le rapport, qui est produit à l’initiative de la branche espagnole de l’OIM.

Maroc et Algérie en tête des dérives

Avec 46% d’évènements signalés, le Maroc apparait dans le rapport de l’OIM comme le pays présentant la fréquence la plus élevée d’incidents subis par les populations migrantes. Suivent l’Algérie (39%) et la Libye (4%). Tous les migrants interrogés étaient passés par le Maroc ou l’Algérie avant d’atteindre l’Espagne. Mais il demeure que ces deux pays de transit présentent “les pourcentages de cas d’exploitation et de maltraitance les plus élevés d’après les migrants interrogés”.

13% des migrants interrogés expliquent avoir été détenus de force par des individus armés ou des groupes autres que les autorités gouvernementales. 27% d’entre eux disent l’avoir été au Maroc, alors que la moitié de ces incidents se seraient produits dans les régions du sud de l’Algérie, précisément à Tamanrasset et Timiaouine.

18% des sondés ont déclaré avoir travaillé pour quelqu’un pendant leur voyage sans recevoir le paiement prévu. Ils sont principalement employés dans des activités liées à la construction, la pêche et le nettoyage. Les situations de travail non rémunéré ont été signalées, majoritairement en Algérie (56%) et au Maroc (31%). À noter également que sept des migrants interrogés ont déclaré avoir été forcés de donner du sang, des organes ou des parties de leurs corps durant le périple. L’OIM constate une nouvelle fois que “près de la moitié de ces expériences rapportées auraient eu lieu au Maroc – principalement à Nador et Tanger-, suivi par l’Algérie – à Alger et Oran -, le Nigéria et la Libye”.

Les résultats de cette étude montrent une proportion inquiétante de cas d’exploitation et de maltraitance de migrants et de réfugiés en chemin, souligne, dans le rapport, Maria Jesus Herrera, chef de mission de l’OIM en Espagne. La diversité des motivations et expériences est frappante et nous ne nous rendons pas toujours compte du niveau de vulnérabilité en jeu”.

D’après l’étude, les migrants issus du Cameroun, de la Gambie et de la Guinée restent les plus touchés par ces cas de maltraitances avec, respectivement, 67%, 63% et 62% de réponse positive à l’une des questions posées lors de l’enquête. En revanche, les migrants originaires du Maroc sont les moins touchés par les risques, avec seulement 6% de concernés. “La proportion de réponses positives la plus faible est enregistrée parmi les voyages dont la durée est inférieure à un mois”, détaille le rapport.

Près du tiers (32%) de l’échantillon a déclaré avoir vécu sans abri à un moment donné du voyage. Cela a été principalement signalé à Nador et dans les zones forestières proches de Sebta et Melilila où les camps de migrants informels sont bien connus, mais également dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, Alger et Bamako. Face à ces situations, Maria Jesus Herrera tire la sonnette d’alarme : “Les conclusions renforcent notre vision selon laquelle il reste beaucoup à faire pour fournir une aide spécialisée, une protection et des soins le long de l’itinéraire. Au bout du compte, une grande partie de la maltraitance et de la souffrance pourrait être évitée en renforçant les voies sûres de migration légale”.