Human Rights Watch dénonce un "isolement abusif" du journaliste en prison

L’ONG dénonce ce vendredi le "régime d’isolement draconien imposé" à l'ancien directeur de publication d'Akhbar Al Yaoum.

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Taoufik Bouachrine, ancien directeur du quotidien Akhbar Al Yaoum. Crédit: Rachid Tniouni/TELQUEL

Depuis plus d’un an, les autorités pénitentiaires marocaines maintiennent un journaliste sous une forme de régime d’isolement abusif”, estime Human Rights Watch (HRW) dans une note publiée ce vendredi 12 avril. Le journaliste et ancien directeur de publication d’Akhbar Al Yaoum, avait été condamné en novembre dernier en première instance à 12 ans de prison pour agressions sexuelles aggravées. Incarcéré depuis février 2018, il est accusé de “traite d’êtres humains”, “abus de pouvoir à des fins sexuelles”, et “viol et tentative de viol”. Son procès en appel a démarré le 9 avril dernier.

D’après certains observateurs extérieurs, dont le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, son procès avait été entaché de multiples violations de procédure. Depuis sa mise sous écrou à la prison de Ain El Borja à Casablanca en février 2018, les autorités ne permettent pas à Bouachrine de rencontrer d’autres prisonniers ou d’interagir avec les gardiens, un traitement cruel et inhumain au regard des règles des Nations unies”, écrit l’ONG.

Pour Sarah Leah Whitson, directrice de HRW pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, “quels que soient les crimes dont on l’accuse, un détenu a le droit d’être traité avec humanité”. “Le régime d’isolement draconien imposé à Taoufik Bouachrine est injustifié et doit être levé”, estime-t-elle encore.

“Ne pas lui adresser la parole”

Si les autorités pénitentiaires accordent à Bouachrine une visite familiale hebdomadaire de 45 minutes, des visites de ses avocats, et deux appels téléphoniques de cinq minutes chacun par semaine, “il ne lui est jamais permis de rencontrer d’autres prisonniers, et les gardiens ont pour instruction de ne pas lui adresser la parole”, explique HRW. Selon cette dernière, sa cellule est déverrouillée une partie de la journée, ce qui lui donne accès à un espace supplémentaire qui reste cependant “toujours vide”. Il aurait également droit à deux heures de promenade par jour dans une cour de la prison, “mais toujours seul”.

Bien qu’il ait obtenu d’être assigné à une cellule individuelle plutôt que collective, Bouachrine insiste sur le fait qu’il n’a jamais demandé ni accepté un régime d’isolation le coupant de tout contact avec d’autres détenus, et interdisant aux gardiens de parler avec lui”, a expliqué sa femme, Asmae Moussaoui, à Human Rights Watch.

HRW rappelle également que le 29 mars dernier, la Délégation interministérielle aux droits de l’homme (DIDH) du Maroc a répondu à une de ses questions sur l’isolement de Bouachrine “en énumérant ses privilèges carcéraux, notamment son accès à une télévision et à un poste de radio, à la presse quotidienne, à des douches avec de l’eau chaude, et aux services postaux”.

Le fait qu’il ait choisi de rester dans une cellule individuelle même si on lui a proposé un autre choix n’explique ni ne justifie un régime empêchant les gardiens et les autres prisonniers de parler à Bouachrine”, estime  Human Rights Watch. “Il y a un monde de différence entre accorder une cellule individuelle à un détenu, et le priver de contacts quotidiens”, a ajouté Sarah Leah Whitson, estimant que “la première mesure peut être humaine, mais (que) la seconde est inhumaine”.