Pour la première fois, la police disperse les manifestants au gaz lacrymogène

« Ils ne nous ont pas écoutés, on continuera à marcher! »: quelque milliers d'étudiants ont crié leur colère mardi dans les rues d'Alger, alors qu'Abdelkader Bensalah, une figure du « système » Bouteflika, a été nommé mardi président par intérim.

Par

AFP

Bensalah dégage! », « Système dégage! ». Entre la place Maurice-Audin et la Grande poste, coeur de la contestation depuis sept semaines dans la capitale algérienne, la clameur « antisystème » a résonné pendant plusieurs heures au-dessus d’une foule compacte. Pour la première fois depuis le début du mouvement pacifique de contestation, la police a tenté de disperser les étudiants par des tirs de grenades lacrymogènes et de canons à eau.

« Pacifiques, pacifiques », ont alors scandé les jeunes en levant les bras en l’air, encerclés par les forces de l’ordre. « On a le droit de manifester et on n’est pas violent. Pourquoi on nous traite comme ça? » demande Sofiane, 24 ans, étudiant en management. D’Alger à Oran, en passant par Constantine ou Ouargla, l’Algérie s’est rebellée en février lorsque l’ex-président Abdelaziz Bouteflika a dit vouloir briguer un 5e mandat. Depuis, elle est ébranlée par une vague de manifestations.

Poussé par la rue et lâché par l’armée, le président malade et mutique depuis des années a finalement démissionné le 2 avril, après 20 ans de règne. Pour gérer une transition qui s’annonce difficile, le président du Conseil de la Nation -la chambre haute du Parlement-, Abdelkader Bensalah, a été nommé mardi président par intérim.

Doublure d’un président Bouteflika largement absent de la scène publique depuis un AVC en 2013, M. Bensalah est un « homme du système » pour les étudiants algériens. Et s’il est conforme à ce que prévoit la Constitution algérienne, cet intérim va à l’encontre des revendications de la rue, qui demande que soient écartés tous les cadres de l’appareil mis en place par M. Bouteflika.

« Le départ de Bouteflika, ça ne suffit pas. On veut un changement total », confirme Asma, étudiante en anglais. « Bensalah, Bouteflika, c’est la même chose! » renchérit Roumaïssa, 20 ans, drapeau algérien enroulé autour de ses épaules. « Il faut que ça change: aujourd’hui, les jeunes en Algérie sont sans avenir », dit Yassine, 21 ans, étudiant en technologie. En Algérie, le chômage, notamment chez les jeunes, est endémique. Le pays connaît régulièrement des incidents liés aux problèmes de logement et d’emploi.

« On croit en notre pays, on veut rester », assure Yasmine, 20 ans, étudiante en chimie, qui affirme que sa famille « aurait eu les moyens » de l’envoyer étudier à l’étranger. Pour Fatima Zhora, 21 ans, tout peut changer avec un nouveau gouvernement: « Pour les jeunes ici, il n’y a rien pour le moment, mais si on arrive à faire changer les choses … » souffle-t-elle. Selon Foued, enseignant en mathématiques, les jeunes veulent « une autre Algérie »: une Algérie « libre, qui respecte les droits ».

« On veut la justice », explique Souad, 23 ans, en biochimie. « Qu’il n’y ait plus de différence entre un citoyen algérien normal et un fils de ministre », donne-t-elle en exemple. « Cette jeunesse, c’est la richesse de l’Algérie. C’est eux qui vont faire l’avenir du pays, il faut les écouter », met en garde Rabea, qui leur enseigne la physique.