“Le monde actuel assiste à plusieurs mutations qui touchent les différents pays membres de la BID”, a rappelé Bandar Hajjar, président de la Banque islamique de développement. C’était à l’occasion de la 44e réunion annuelle de l’institution, qui s’est tenue du 3 au 6 avril à Marrakech. La nouvelle stratégie quinquennale du groupe a été présentée lors de ce congrès.
Parmi les grands défis qui attendent ces Etats, Bandar Hajjar a notamment cité la croissance démographique, l’urbanisation rapide, mais également le besoin criant d’emplois. Pour faire face à ces mutations, la nouvelle stratégie de la BID prend en compte “les évolutions inédites au niveau des sciences et de la technologie, le déficit en investissement requis pour la réalisation des ODD, la croissance démographique rapide, les conflits militaires et la vulnérabilité des États membres”, a relevé le président du groupe.
La nouvelle vision exposée par la BID a pour objectif “d’accompagner les États membres dans le processus de refonte de leurs économies pour qu’elles deviennent durables, globales, et créatrices d’emplois grâce aux chaînes des valeurs, les sciences et l’innovation”, a annoncé Bandar Hajjar, lors de la cérémonie d’ouverture de la réunion.
Intégrer les chaînes de valeurs mondiales
Pour mettre en place sa nouvelle stratégie, la BID mise sur l’inclusion par le biais des chaînes de valeurs compétitives. “Le développement des États membres peut être stimulé par la compétitivité des industries reliées au marché mondial par l’intermédiaire des chaînes de valeurs mondiales”, explique Bandar Hajjar. Pour lui, cette démarche permettra à la Banque de “hiérarchiser ses projets dans les domaines ayant le plus grand impact et, parallèlement, d’offrir aux pays plus de possibilités de s’interconnecter par l’intermédiaire de ces chaînes”.
Le nouvel outil quantitatif de la BID pour la sélection et l’identification des chaînes de valeurs repose sur trois paradigmes axés sur le potentiel des biens intermédiaires plutôt que sur les produits finis. Le premier est le potentiel naturel d’un pays. Il prend en compte ce que ce pays peut produire de manière plus efficace par rapport aux autres pays du monde.
Le deuxième paradigme est celui du potentiel dynamique. Il utilise des indicateurs tels que la croissance du marché, les projections de la demande mondiale, la distance du marché et la concentration potentielle des exportations, grâce auxquelles les produits ou les biens intermédiaires sont identifiés comme des produits “champions” potentiels.
Le troisième paradigme est le potentiel d’excédents et de retombées, qui évalue la valeur ajoutée statique d’un secteur donné et les liens existant entre divers secteurs au sein d’une économie donnée, peut-on lire sur “La voie de réalisation des ODD”, un livre détaillant le programme du président de la BID pour son plan quinquennal.
Rentabiliser les ressources naturelles
La coopération en matière d’innovation verte est le deuxième pilier de cette nouvelle vision. Son objectif est de mettre l’innovation et la recherche au service d’une production rentable qui accroît la valeur ajoutée des produits exportés. Un objectif “plein de sens” selon le président de la BID. Bandar HAjjar observe ainsi que “plusieurs pays membres exportent des matières premières rares ou spécifiques en état brut”, alors que pour les rentabiliser davantage, “il faut opter pour la transformation”. Une démarche qui nécessite selon lui “un investissement dans la propriété intellectuelle pour exploiter des produits à plus forte valeur ajoutée et créer une économie fondée sur la connaissance”.
Dans ce cadre, la BID s’engage à aider ses Etats membres à améliorer leurs capacités de développement industriel dans des secteurs où ils détiennent un avantage comparatif. L’objectif est de permettre à ces pays “d’accroître leur compétitivité lors de leurs interactions avec les chaînes de valeur mondiales”, explique le président de la BID. En matière de sciences et d’innovation, la Banque ambitionne “construire un système complet en la matière, qui boostera davantage la valeur ajoutée dégagée des ressources naturelles, financières et humaines”.
La résilience par le biais d’un réseau mondial de développeurs est le dernier pilier de cette stratégie. Ainsi, le changement du paradigme traditionnel adopté par les banques mondiales de développement, qui consiste à “combler les déficits de financement par des prêts et des dons”, n’est pas suffisant pour relever les défis gigantesques auxquels le monde est aujourd’hui confronté.
Pour le président de la BID, “il est nécessaire de passer de l’idée de fournir des fonds pour le développement, au financement du développement”. Dès lors, “les gouvernements pourront générer une part importante des ressources nécessaires à la réalisation des ODD, selon une estimation largement acceptée indiquant qu’entre 50 et 80% des besoins proviendront de ressources nationales”, poursuit Bandar Hajjar.
Un milliard de dollars pour les secteurs stratégiques
Pour concrétiser sa nouvelle vision, la BID devra mobiliser un milliard de dollars afin de financer des projets d’investissement dans des secteurs stratégiques des États membres, à même de créer 10 millions d’emplois, a annoncé vendredi le président de la BID.
Pour bénéficier d’un financement de la Banque islamique, les projets devront se révéler “de grande utilité économique avec un impact tangible sur le développement”. Ceci pour faciliter “la mobilisation des ressources financières indispensables à la création de valeur et le transfert du savoir-faire”, a expliqué Bandar Hajjar. Le président de la BID a également déclaré que son institution s’érigerait en “un stimulateur de développement et un facilitateur d’investissement en vue d’assurer le développement”.
Stimuler le secteur privé
“Si le secteur privé n’est pas stimulé, les dépenses publiques doivent être multipliées par huit pour atteindre les ODD”, note Bandar Hajjar. Ainsi, la Société islamique pour le développement du secteur privé (ICD), organisation multilatérale du groupe BID, a lancé à Marrakech une plateforme mondiale pour la promotion du secteur privé.
Cette dernière permet aux entités financières aux objectifs similaires de collaborer sur des opportunités commerciales, échanger des informations sur le marché et jeter les bases de transactions financières réelles dans les pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et à travers les frontières, indique l’ICD dans un communiqué.
À travers cette initiative, ICD entend démontrer les applications productives de la technologie financière (FinTech) dans les affaires commerciales modernes, réduire les coûts de transaction financière pour les banques, les sociétés de leasing et les institutions de microfinance membres et améliorer les services de conseil qu’elle offre à ses clients et ses partenaires à travers le réseau de développement islamique, précise la même source.
Et la finance islamique
Le déploiement de solutions du secteur de la finance islamique, qui est l’un des principaux mandats de la BID, “pourrait jouer un rôle important en aidant à combler le déficit de financement des ODD”, a indiqué le président de la BID. Selon Bandar Hajjar, “23% de la population mondiale adhère à l’islam, le déploiement de solutions du secteur de la finance islamique pourrait attirer des millions de personnes qui se sont volontairement retirées du système financier pour des raisons religieuses”.
Ainsi, “le financement islamique sera l’outil primordial pour alimenter les industries et inclure les secteurs exclus du financement conventionnel”, poursuit Bandar Hajjar. Il y voit une “opportunité pour les Banques islamiques d’investir dans la technologie financière, le big data et l’intelligence artificielle dans l’objectif de se positionner en tant qu’institutions bancaires modernes, rentables et diversifiées”.