La réalisatrice et artiste Agnès Varda est décédée chez elle dans la nuit du jeudi des suites d’un cancer. Sa famille et ses proches l’entouraient”, ont-ils annoncé dans un communiqué.
“Elle est décédée cette nuit”, a confirmé à l’AFP Cécilia Rose de Tamaris productions, productrice de ses films depuis 17 ans. “Elle devait inaugurer ce soir une exposition à Chaumont-sur-Loire qui s’ouvrira donc sans elle”, a-t-elle ajouté.
Cinéaste internationalement reconnue, l’une des rares réalisatrices de la Nouvelle vague, femme de convictions ayant bâti une oeuvre originale, souvent pionnière, à la frontière entre documentaire et fiction, Agnès Varda était l’auteur de Cléo de 5 à 7 (1962), Sans toit ni loi (1985), Les Glaneurs et la Glaneuse (2000), Les plages d’Agnès (2009) ou Visages, villages (2017).
Son dernier documentaire, Varda par Agnès, avait été présenté en février au Festival du film de Berlin et diffusé récemment sur Arte.
“Bouleversé, accablé, endeuillé : ces sentiments qui accompagnent la certitude que nous venons de perdre l’une des plus grandes artistes de notre époque. Agnès Varda, je vous témoigne mon respect, ma reconnaissance et mon admiration”, a réagi le ministre français de la Culture Franck Riester sur Twitter.
Avec son éternelle coupe au bol et son amour des patates en forme de coeur, la Française Agnès Varda était une figure du cinéma indépendant, à la fois poétique et engagée, source d’inspiration pour nombre d’artistes.
Seule représentante féminine de la Nouvelle vague, celle qui fut pendant trente ans la compagne du cinéaste Jacques Demy. Elle laisse derrière elle une oeuvre marquée par l’humanisme et une profonde originalité, entre documentaire, fiction et autobiographie.
En 2018, à Cannes, bras dessus bras dessous avec Cate Blanchett, entourées de 80 actrices, productrices, elle avait plaidé pour l’“égalité salariale” dans le 7e art. Une image forte confortant son statut d’icône et doyenne du cinéma.
Infatigable, celle qui était également photographe et plasticienne avait repris la route à 88 ans, avec l’artiste JR, de cinquante ans ans son cadet, pour le réjouissant Visages, villages. Avec à la clé une nomination aux Oscars. A bord d’un camion photographique, les deux compères étaient allés à la rencontre d’habitants et de villages délaissés de France.
Le film, imbriquant, comme souvent chez Varda, autobiographie, sujets sociaux et une poésie bien à elle, avait emballé le Festival de Cannes.
Le cinéma n’était pourtant pas une évidence. Né le 30 mai 1928 à Ixelles en Belgique, d’une mère française et d’un père grec, Agnès (de son vrai prénom Arlette) commence sa carrière comme photographe au Théâtre national populaire (TNP, situé à l’époque à Paris) de Jean Vilar et Gérard Philippe, après des études d’art dans la capitale française.
Quand elle réalise en 1954 son premier film La pointe courte, elle a peu de moyens et presque aucune culture cinématographique – elle racontait n’avoir vu à cette époque qu’une dizaine de films.
Le long métrage avec l’acteur Philippe Noiret et Alain Resnais au montage est considéré comme précurseur de la Nouvelle vague, qui chamboulera le 7e art cinq ans plus tard.
Après trois courts métrages poétiques et sensibles, Agnès Varda signe en 1962 Cléo de 5 à 7, touchante déambulation dans Paris d’une jeune femme qui attend des résultats médicaux décisifs.
“Mon pari c’était de montrer que cette fille très coquette, narcissique, se transforme en 90 minutes puisqu’il est filmé en temps réel. Sa peur d’avoir un cancer la réveille”, résumait-elle. La chanteuse Madonna, fan du film, a d’ailleurs voulu jouer un temps dans un remake. Un projet resté mort-né.
Cinéaste engagée, Agnès Varda tourne plusieurs documentaires politiques: Salut les Cubains (1963), Black Panthers (1968), le film collectif Loin du Vietnam (1967)… Elle embrassera aussi la cause féministe avec L’une chante, l’autre pas (1977) qui a pour sujet l’avortement.
Qu’elle filme un artiste hippie à San Francisco (Oncle Yanco, 1967) ou les muralistes à Los Angeles (Mur Murs, 1981), elle fait preuve de la même curiosité.
En parallèle, elle enrichit sa galerie de portraits au fil de ses reportages et photographie avec autant de passion des veuves que ses amis artistes.
Sa fibre sociale s’exprime dans Sans toit ni loi, Lion d’or à Venise en 1985, qui vaudra un César à Sandrine Bonnaire. Le film retrace, en un long flash back, les derniers jours d’une jeune marginale, retrouvée morte de froid dans un fossé.
Avec Les glaneurs et la glaneuse (2000), Agnès Varda s’intéresse aux pauvres qui récupèrent dans les champs ou sur les marchés les légumes oubliés ou invendus.
L’occasion de braquer les projecteurs sur la pomme de terre, le “légume le plus modeste, le plus pauvre, celui qu’on ne regarde pas« , disait-elle.
En 2008, c’est aux plages de sa vie et au “plus chéri des morts”, Jacques Demy, l’homme des Demoiselles de Rochefort, qu’elle rend hommage dans Les plages d’Agnès, César du meilleur film documentaire.
Un autoportrait montrant les plages de Belgique de son enfance, celles de Sète, de Californie ainsi que de Noirmoutier (ouest), où elle passait ses vacances. Les dernières images, bouleversantes, la montrent seule, sur une chaise, au milieu des embruns.
A son compagnon décédé en 1990, elle a consacré une trilogie, dont Jacquot de Nantes. Ensemble, ils ont deux enfants: Rosalie Varda (adoptée par Demy) qui travaille à Ciné-Tamaris, la société qui gère les films de ses parents, et Mathieu Demy, devenu acteur.
Agnès Varda a reçu en 2015 une Palme d’honneur du festival de Cannes pour l’ensemble de son oeuvre.
En février à la Berlinale, elle avait présenté son dernier documentaire, Varda par Agnès. Ce film est “une façon de dire au revoir”.