Tuerie au Mali: le gouvernement met fin à une milice de chasseurs

Le gouvernement malien a annoncé le 24 mars avoir mis fin aux activités d'une milice de chasseurs dogons et limogé les chefs de l'armée au lendemain du massacre de quelque 130 Peuls dans le centre du pays.

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Des membres de l'armée malienne en patrouille. Crédit: Agnes Coudurier / AFP

Cette tuerie, la plus sanglante depuis la fin des principaux combats de l’opération lancée en 2013, à l’initiative de la France, pour chasser les groupes jihadistes ayant pris le contrôle du nord du pays, s’est produite en pleine visite du Conseil de sécurité de l’ONU au Mali et au Burkina Faso voisin.

Depuis l’apparition il y a quatre ans dans le centre du Mali du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé leurs propres “groupes d’autodéfense”.

Ces violences ont coûté la vie à plus de 500 civils en 2018, selon l’ONU.

Le président Ibrahim Boubacar Keïta a réuni dimanche un Conseil des ministres extraordinaire “pour annoncer la dissolution de l’association (de chasseurs dogons) ‘Dan Nan Ambassagou’ pour dire clairement aux uns et aux autres que la protection des populations restera le monopole de l’Etat”, a déclaré à la presse le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga.

M. Maïga a également annoncé “la nomination de nouveaux chefs militaires”, après le limogeage du chef d’état-major général des armées, M’Bemba Moussa Keïta, et de ceux de l’armée de Terre et de l’Air. Le nouveau chef d’état-major des armées est le général Abdoulaye Coulibaly, selon un communiqué du gouvernement.

Les sanctions contre les chefs de l’armée surviennent aussi après une attaque jihadiste le 17 mars contre un camp de l’armée à Dioura (centre) au cours de laquelle 26 soldats avaient été tués.

Une délégation de plusieurs ministres, dont ceux de la Justice et de la Santé, et des responsables militaires, est arrivée en fin de matinée à Ogossagou-Peul, théâtre du massacre, dans la zone de Bankass, près de la frontière avec le Burkina Faso, selon un élu local.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’était déclaré dimanche “choqué et outré” par ce massacre évoquant un bilan d’au moins 134 civils tués.

Ce bilan de 134 morts, dans l’attaque survenue samedi à l’aube et imputée à des chasseurs dogons présumés, a également été avancé par l’association de défense des droits des populations pastorales Kisal et un élu local.

Des enfants “sont parmi les victimes”, a affirmé dimanche le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) selon lequel “les enfants maliens paient le prix fort pour l’intensification de la violence dans le centre” du pays.

Une attaque prévisible

Depuis 2017, l’insécurité croissante a entraîné une augmentation des meurtres, des mutilations et du recrutement d’enfants. La violence contre les femmes et les filles est à la hausse”, a dit l’Unicef.

L’Union européenne a appelé à des “mesures immédiates” dont “le désarmement et le démantèlement de l’ensemble des milices” dans le pays.

Cette attaque est “inédite” mais était “prévisible” à cause d’une faible présence de l’Etat, de la violence et de ses divers acteurs dans la zone, a affirmé à l’AFP Baba Dakono, chercheur à l’Institut pour les études sur la sécurité (ISS), basé à Bamako.

Dans le village, des corps étaient encore en train d’être ramassés dimanche, selon des témoins. Et des habitants des environs demandaient à être évacués, par crainte de nouvelles attaques, selon un élu local.

L’attaque d’Ogossagou-Peul est survenue six jours après un attentat jihadiste à Dioura, dans la même région du centre.

Dans un communiqué de revendication vendredi, la principale alliance jihadiste du Sahel liée à Al-Qaïda a justifié l’opération de Dioura par les “crimes odieux commis par les forces du gouvernement de Bamako et les milices qui le soutiennent contre nos frères peuls”.

Parmi les tués d’Ogossagou-Peul figuraient “des éléments peuls du DDR cantonnés dans le village”, avait indiqué samedi le préfet de Bankass, Boubacar Kané. Il faisait référence à l’extension au centre du pays depuis le début de l’année du processus de “désarmement, démobilisation et réinsertion” (DDR) prévu par l’accord de paix de 2015 pour les combattants de groupes armés du Nord.

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg), signataire de cet accord, a appelé dans un communiqué “à la cessation immédiate de ces massacres qui s’apparentent à un véritable pogrom orchestré”.

De son côté, la coalition des groupes pro-gouvernementaux également impliqués dans l’accord de paix, a condamné ce “crime de masse”, exigeant “une commission d’enquête indépendante”.

Ces groupes ont également réitéré “leur invitation au gouvernement et aux frères de la CMA sur l’absolue nécessité du dépassement de toutes leurs divergences pour ensemble sécuriser les populations conformément aux engagements pris par tous”, en référence aux divergences entre signataires sur l’application de l’accord.