Mme May « va écrire à Donald Tusk, le président du Conseil européen (…) au sujet d’une extension de l’article 50« , qui fixe au 29 mars la sortie de l’UE, a déclaré mardi un porte-parole de la dirigeante conservatrice à l’issue d’une réunion du gouvernement. Un changement de la date du Brexit devra être approuvé par les deux chambres du Parlement, a-t-il ajouté, sans préciser quelle serait la durée du report demandé à l’UE.
A seulement dix jours de la date théorique du Brexit, dont personne ne sait encore quelle forme il prendra, la dirigeante conservatrice, qui avait d’abord prévu un nouveau vote sur son accord de Brexit d’ici mercredi, a été contrainte de revoir sa stratégie après le coup d’éclat du président de la Chambre des Communes, le « Speaker », John Bercow. Ce dernier a statué lundi que Mme May ne pouvait pas revenir au cours de la même session parlementaire devant les députés britanniques avec le même texte déjà rejeté la semaine dernière. Cette décision, basée sur une convention parlementaire vieille de quatre siècles selon M. Bercow, a surpris le gouvernement qui n’a pas caché sa colère.
« Nous traversons une crise constitutionnelle majeure« , a estimé Robert Buckland, conseiller juridique au sein du gouvernement. Le porte-parole de Mme May a lui aussi utilisé le terme de « crise« . La presse conservatrice a elle cloué au pilori M. Bercow, un conservateur qui, selon elle, prend un malin plaisir à mettre des bâtons dans les roues du gouvernement. « Acte de sabotage« , a dénoncé le Daily Mail, « Destructeur de Brexit« , a titré le Daily Express, « Bercow, on t’emmerde« , a même osé le Sun.
Les Européens montraient de leur côté clairement des signes d’impatience. Refusant de commenter la chicane parlementaire britannique, le porte-parole de la Commission européenne Margaritis Schinas a appelé Londres « à décider des prochaines étapes » et à en « informer » l’UE « rapidement« .
Paris a de son côté prévenu qu’une extension n’était « ni évidente ni automatique » et exigé de Londres une « alternative crédible, dans les tout prochains jours ou prochaines heures ». La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré mardi vouloir « se battre jusqu’au bout avant la date butoir du 29 mars » pour éviter un Brexit sans accord, scénario synonyme de retour des formalités douanières et particulièrement redouté par les milieux économiques.
Mme May entendait représenter cette semaine au vote le Traité de retrait de l’UE qu’elle avait conclu fin novembre avec l’UE après de longues et tortueuses négociations. Dans la foulée, elle devait se rendre jeudi au conseil européen à Bruxelles pour réclamer un court report technique de la date du divorce. Son ministre du Brexit Stephen Barclay a estimé que le vote sur l’accord, qui doit mettre fin en douceur à 46 ans d’appartenance au bloc européen, pouvait encore avoir lieu la semaine prochaine.
« La réalité, c’est que le meilleur moyen pour que le Brexit se réalise est de soutenir le plan de la Première ministre », a-t-il plaidé mardi sur la BBC. M. Bercow a cependant averti qu’il n’accepterait pas un texte qui ne serait pas « fondamentalement différent », laissant entendre que des changements devaient résulter de nouvelles discussions avec les dirigeants européens. Mais Bruxelles ne veut pas renégocier, et répète que la proposition qui est sur la table est « la meilleure et la seule disponible ».
Selon des experts du droit constitutionnel, si l’UE acceptait l’extension, cela pourrait constituer le changement suffisant réclamé par M. Bercow. Avant même la décision du « Speaker », des doutes avaient commencé à apparaître sur l’organisation d’un nouveau vote cette semaine, en raison de l’incapacité de Mme May de rallier à son accord — déjà rejeté à une écrasante majorité le 15 janvier et le 12 mars — les députés les plus eurosceptiques.