La mobilisation, immense et difficile à évaluer, est largement supérieure à celle des manifestations des deux derniers vendredi à Alger, pourtant déjà impressionnantes. Dans le centre de la capitale, la Place de la Grande-Poste est noire de monde, de même que l’un des principaux axes d’Alger qui y mène, ainsi que les grandes artères environnantes.
Les manifestations coïncident avec la célébration du 8 mars, Journée internationale des droits des Femmes, et nombre d’entre elles figurent parmi les manifestants de tous âges qui défilent dans le calme, aux cris de « Pouvoir, assassin« , ou « Pas de 5e mandat, eh Bouteflika!« . »Ils ont les millions, nous sommes des millions« , indique une pancarte brandie par une femme dans le cortège. Le flot de manifestants n’a cessé de grossir sur la place de la Grande-Poste déjà bondée ,à l’issue de la fin de la grande prière musulmane hebdomadaire.
Aucun incident n’est signalé. Initialement présents en nombre, les policiers se sont contentés d’observer, avant que plusieurs camionnettes de police, submergées au milieu de la foule ne commencent à évacuer la place. A chaque passage au-dessus d’eux de l’hélicoptère qui bourdonne dans le ciel d’Alger, les manifestants huent et sifflent en agitant leurs drapeaux.
Les précédents cortèges ont tous été pacifiques, un des mots d’ordre de la contestation déclenchée le 22 février, à l’exception de quelques heurts localisés à Alger entre petits groupes de casseurs et policiers.
D’autres manifestations, également pacifiques, se déroulent ailleurs dans le pays, notamment à Oran et Constantine, deuxième et troisième villes d’Algérie, selon le site d’information TSA (Tous sur l’Algérie) qui parle également d’une foule « impressionnante » à Béjaïa, en Kabylie.
« Nous ne lâcherons pas »
Les Algériens n’ont semble-t-il pas été impressionnés par le message que leur a adressé jeudi M. Bouteflika, 82 ans, hospitalisé en Suisse depuis plus de dix jours et dont le retour au pays n’a toujours pas été annoncé.
Dans ce message à l’occasion du 8 mars, le chef de l’Etat, présenté par ses partisans comme le garant de la paix dans le pays, a agité le spectre du « chaos » et dénoncé, sans les nommer, les ennemis « insidieux » et ceux « qui conspirent » contre l’Algérie.
En creux, le chef de l’Etat, très diminué par les séquelles d’un AVC dont il a été victime en 2013, réaffirme qu’il n’entend pas renoncer à briguer un 5e mandat lors de la présidentielle du 18 avril. Mais la rue algérienne ne semble pas prête non plus à céder, malgré les rappels du chef de l’Etat, sur la « tragédie nationale » de la décennie de guerre civile (1992-2002) et la « déferlante du Printemps arabe« . Des périls brandis par le camp présidentiel après le début de la contestation inédite depuis la première élection de M. Bouteflika à la tête de l’Etat en 1999.
Les dirigeants « ne vont pas lâcher facilement, mais nous ne lâcherons pas non plus« , a expliqué jeudi soir à l’AFP un chauffeur de taxi, alors que les Algériens parlent désormais ouvertement et en public de la contestation et de leur ras-le-bol. Sur les réseaux sociaux, le hashtag « #Mouvement_du_8_Mars » s’est répandu ces derniers jours, appelant à une mobilisation massive en Algérie.
Circulent également les « 18 commandements des marcheurs du 8 mars » rappelant le caractère pacifique de la contestation. Parmi ces commandements écrits par le poète et écrivain Lazhari Labter: « Pacifiquement et tranquillement je marcherai« , « A aucune provocation je ne répondrai« , « Les baltaguias (casseurs payés par le pouvoir) j’isolerai et à la police je les remettrai« , « Pas une pierre je ne jetterai, « Pas une vitre je ne briserai« , « Après la marche (…) je nettoierai« .