Une dizaine de journalistes algériens participant à Alger à un rassemblement contre « la censure » ont été interpellés par la police jeudi 28 février, à la veille de nouvelles manifestations annoncées contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat.
Une centaine de journalistes des médias algériens, écrits et audiovisuels, publics et privés, se sont rassemblés en matinée sur la Place de la Liberté de la presse à Alger, pour dénoncer les pressions subies et les restrictions de couverture « imposées par (leur) hiérarchie » du mouvement de contestation actuel.
Au début de ce rassemblement, une dizaine de journalistes ont été arrêtés, les uns après les autres, pour des motifs inconnus. « Libérez nos collègues », ont scandé les manifestants tandis que les journalistes interpellés tambourinaient contre les parois des fourgons de police dans lesquels ils ont été enfermés et qui ont ensuite quitté la place. « Non à la censure! », « 4e pouvoir, pas une presse aux ordres », ont encore clamé les manifestants, aussi nombreux que les policiers qui les encerclaient. De nombreux automobilistes ont klaxonné en solidarité ou criaient « Presse libre! », en passant devant le rassemblement.
Environ deux heures après le début du rassemblement, les très nombreux policiers déployés, certains en tenue anti-émeutes, ont fait évacuer calmement la place, en repoussant les journalistes encore présents vers la rue. Ceux-ci se sont alors dirigés vers la Maison de la Presse Tahar Djahout – du nom d’un des premiers de la centaine de journalistes algériens assassinés durant la « décennie noire » (1992-2002) de guerre civile – avant d’être stoppés par un cordon de police, qui les a dispersés dans le calme en début d’après-midi.
Le ministre algérien de la Communication, Djamel Kaouane, a fait une très brève apparition durant ce rassemblement, sans faire de déclaration, avant d’être ramené précipitamment, pour une raison inconnue, à son véhicule par son escorte, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux par des journalistes sur place.
Un « traitement exceptionnel » réservé au camp du président Bouteflika
Les médias audiovisuels publics algériens et les télévisions privées, propriétés d’hommes d’affaires proches du pouvoir, ont durant plusieurs jours totalement passé sous silence le mouvement de contestation.
Des journalistes de la radio nationale ont dénoncé dans un texte un silence « imposé par (leur) hiérarchie ». Ils en ont profité pour dénoncer l’absence de neutralité à l’antenne, le « traitement exceptionnel » réservé au camp du président Bouteflika et celui « restrictif de l’opposition ». Une journaliste de la radio qui a publiquement démissionné de ses fonctions d’encadrement pour dénoncer cet état de fait a fait savoir que son émission avait depuis été supprimée.
Les journalistes de l’audiovisuel public algérien – radio nationale mardi, puis télévision nationale mercredi – se sont tour à tour rassemblés devant leurs sièges pour « la liberté d’informer », des initiatives extrêmement rares en Algérie.
Mercredi 27 février, l’audiovisuel public algérien a finalement évoqué, à mots choisis, les manifestations d’étudiants de la journée contre la candidature du président Bouteflika. La chaîne francophone de la télévision nationale a notamment diffusé des images en milieu de journal du soir, sans que le commentaire évoque le refus du 5e mandat parmi les revendications.
Les étudiants ont appelé « à des réformes dans un cadre démocratique calme et paisible », a déclamé la présentatrice, et ont « pu exprimer leur opinion (…) ce qui témoigne encore une fois que l’Algérie est un pays démocratique et de liberté d’expression ».