Equité, visibilité et stabilité. Ce sont les mots clés martelés par la CGEM lors d’une conférence-débat le 22 février à Marrakech sur ce que doit être la politique fiscale marocaine. Selon la Confédération patronale, la fiscalité est l’atout numéro un du Maroc pour enrayer le chômage et redynamiser la croissance du pays. C’est le leitmotiv qui guidera les équipes de Salaheddine Mezouar jusqu’aux 3e Assises de la fiscalité qui se tiendront à Skhirat les 3 et 4 mai. Ce rendez-vous doit poser les bases d’une réforme du système fiscal marocain.
« On n’y va pas pour faire des recommandations. Ou bien on ira avec des mesures qui peuvent être décidées sur place et appliquées le lendemain, ou bien la CGEM ne jouera pas le jeu », avait martelé le président du patronat le 23 janvier. Ce week-end à Marrakech, la confédération patronale s’est donc notamment penchée sur le modèle de développement économique et social, le financement des entreprises, le foncier, l’informel et surtout, la fiscalité.
Fiscalité, levier n°1
Contacté par TelQuel, Abdelkrim Mehdi, président de la commission dynamique régionale de la CGEM, n’y va pas par quatre chemins : « nous ne sommes pas un pays rentier ! Nous avons une économie qui fonctionne à travers la fiscalité. Nous avons un système avec des recettes et des dépenses et nous sommes contraints de faire de l’optimisation. Nous devons travailler main dans la main avec le secteur public pour contribuer au bon équilibre ».
Il poursuit : « nous devons nous inscrire dans une logique où il n’est pas nécessaire de discuter d’une TVA ou d’un impôt à chaque projet de loi de finances. Il faut qu’il y ait un contexte clair, une bonne visibilité sur 5 ou 10 ans ». En effet, cette visibilité est présentée par la CGEM comme cruciale pour les entreprises et doit s’inscrire dans un contexte de cohérence fiscale. Pour Abdelkrim Mehdi, « nous avons des IDE, des patrons marocains… on ne peut pas dire que l’impôt sur les sociétés est de 35%, qu’il sera de 17% dans 3 ans, puis qu’il sera totalement revu dans 5 ans. Une entreprise ne peut pas faire son business plan tous les ans ».
Le manque de visibilité fiscale au Maroc serait au contraire un boulevard pour la concurrence, en face, qui est mondiale. « Le monde change et évolue rapidement, mais l’investissement n’est pas une chose qui change. Si le contexte fiscal n’est pas clair, le risque pays est que l’investisseur ira là où il peut se projeter dans un contexte de stabilité », analyse Abdelkrim Mehdi. Le débat de la CGEM a donc été une occasion de cadrer les choses de ce point de vue, à l’approche des Assises. Il était aussi question de revendiquer la mise en place d’une réelle stratégie de la fiscalité pour les secteurs public et privé avec en ligne de mire la pérennité économique, mais aussi la bonne répartition des ressources.
Équité fiscale et territoriale
La CGEM compte bien défendre le sujet lors de la 3e assise de la fiscalité en mai prochain. « L’équité dans le cas d’un investisseur doit prendre en compte les risques qu’il prend, le fait qu’il soit entrepreneur. L’économie a besoin du capital pour l’investissement et la croissance, » a déclaré Mohamed Hdid, président de la Commission fiscalité de la CGEM lors de la conférence du 22 février. Il met l’accent sur l’injustice de la fiscalité qui touche selon lui les différents acteurs économiques, en particulier les entrepreneurs et les chefs d’entreprises qui portent plus de risques et de responsabilités que les salariés. Pour la Confédération des entreprises, une harmonisation sera défendue lors des Assises de mai.
Mais la CGEM insiste également sur l’équité, cette fois-ci territoriale. Comme nous le dit Abdelkrim Mehdi « Pourquoi un commerçant de Taroudant ou Mirleft paierait-il la même patente qu’un commerçant à Casablanca? Ce n’est pas normal. Quand on a des infrastructures, de la population, de l’achalandage, on ne peut pas payer de la même manière que quelqu’un qui n’a rien. Une équité s’impose aujourd’hui ». La CGEM milite pour une fiscalité locale visant à augmenter l’attractivité territoriale de façon à en faire le dénominateur commun de la stratégie fiscale. « Que ce soit la visibilité, l’équité ou la stabilité, si le territoire n’est pas mis au centre des choses, rien n’aboutira », conclut le président de la Commission dynamique régionale de la CGEM.
En mai, la CGEM devra notamment discuter avec la Direction générale des impôts (DGI) sous la houlette d’Omar Faraj. Ce dernier a publié début février une note de cadrage définissant l’intérêt desdites Assises, la méthodologie de l’approche engagée pour les réussir, ainsi que les thématiques clés sur lesquelles seront focalisés les débats. La DGI y décrivait un système fiscal marocain miné par les « inefficiences » et les « iniquités ». Selon la direction du ministère des Finances, l’objectif des Assises est d’abord de « définir les contours d’un nouveau système fiscal national, plus équitable, performant, compétitif, orienté développement, et intégrant les principes universels de bonne gouvernance fiscale ». Jusque-là, les organismes de Faraj et Mezoaur sont donc sur la même longueur d’onde pour élaborer un projet de loi-cadre sur la fiscalité qui portera « les grands principes de la réforme fiscale à venir et la programmation précise, sur 5 ans à partir de 2020 des principaux engagements du Maroc en la matière », selon la note de cadrage.