Après sa conférence sur la liberté de la presse “sabotée” à Paris, l'Asdhom prévoit un sit-in devant l’ambassade du Maroc 

Les organisateurs de la conférence du 15 février sur la liberté de la presse au Maroc, organisée à Paris et interrompue par « un sabotage des baltajias », prévoient une protestation devant l’ambassade du Maroc en France ce jeudi 28 février.

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Une quinzaines de personnes ont perturbé la conférence. Crédit : Capture d'écran.

L’Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM) organise un rassemblement de protestation devant l’ambassade du Maroc à Paris, le jeudi 28 février à 18h30, annonce son président Saïd Fawzi qui attend la participation de « 400 personnes » .

L’association, « créée par des démocrates marocains en France en 1984 durant les années de plomb pour défendre les libertés au Maroc au moment où la grande majorité des démocrates étaient en prison ou pourchassés par la police politique de Basri », selon Saïd Fawzi. Celui qui se présente aussi comme ancien responsable de l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) et « ancien exilé politique durant les années de plomb » prévoit aussi de tenir dans les prochains jours une conférence sur la liberté de la presse, la première ayant été « sabotée », vendredi 15 février. Le dépôt de la plainte pour sabotage et dégradations « est toujours en cours avec l’avocat », affirme-t-il.

« Dès le début, j’ai compris que la conférence allait être sabotée », déclare pour sa part Hicham Mansouri, sur les évènements survenus le 15 février au Maltais rouge, ancien local du PSU (Parti socialiste unifié), à deux pas de la place de la République à Paris. Poursuivi pour « adultère et préparation d’un local pour la prostitution » — « atteinte à la sécurité de l’État » selon lui — en 2015 , le journaliste et militant marocain aujourd’hui exilé en France raconte : « Dès le début, lorsqu’on a parlé de régression, de répression et de dictature, des personnes se sont levées en criant »Pour les organisateurs de l’évènement, il ne fait aucun doute : il s’agissait de « baltajias ».

Un coup « prémédité » selon les organisateurs

Parmi les personnes conviées à cette conférence figuraient Fatiha Aarour, ancienne cadre de la HACA, ainsi que la journaliste de L’Humanité Rosa Moussaoui, remplacée à la dernière minute par son collègue Hassane Zerrouky, ex-journaliste du Matin algérien. 

Les débats ont tourné court, la salle a dû être évacuée et la police appelée. À peine Fatiha Aarour avait introduit la conférence qu’elle a été « interrompue par des cris ». Le ton monte d’un cran lorsque le « Sahara occidental » est évoqué : « Le Sahara marocain », corrigent plusieurs personnes dans la salle, avant de s’en prendre violemment — verbalement puis physiquement — aux invités, raconte Khadija Ryadi. Une chaise vole à travers la salle, des boules puantes sont lancées, les fils du disjoncteur sont arrachés, plongeant la salle dans l’obscurité. La scène est filmée par le journaliste Samad Aït Aicha. 

Selon les organisateurs, l’opération était préméditée. « Notre intervention n’était qu’un prétexte, le sabotage était minutieusement préparé », affirme Khadija Ryadi. Parmi la quinzaine de « baltajias », les intervenants reconnaissent deux visages : celui de l’avocat Mohamed Karout, représentant de l’Etat au procès du Hirak, et de Hanane Rihab, députée de l’USFP, « spécialement venus du Maroc », insiste Khadija Ryadi. « Ils n’ont pas pris part aux violences physiques, mais ils soutenaient clairement les saboteurs », ajoute Hicham Mansouri.

« Ce qu’on voulait dire en trois heures, ils l’ont démontré en quinze minutes », affirme Khadija Ryadi, ancienne présidente de l’AMDH. « Ils nous ont presque rendu service », conclut-elle. Dans un communiqué, l’ASDHOM assure « ne pas se laisser abattre par leur terreur ». « Nous continuons à militer au nez et à la barbe de ces services de l’ombre pour mettre le Maroc sur la voie d’un État de droit », poursuit le communiqué qui qualifie aussi les saboteurs de « barbouzes aux ordres ».

Un public hétéroclite

Contacté par TelQuel, l’avocat Mohamed Karout explique s’être retrouvé sur les lieux par hasard, après « avoir entendu une sirène de police dans la rue » alors qu’il était dans son hôtel à Paris, où il passait le weekend pour une conférence sur la victimologie dans une faculté de droit parisienne, dont le nom lui a échappé. « Je ne suis pas au courant de ce qu’il s’est passé. Je suis juste sorti pour voir », explique-t-il.

Quant à Hanane Rihab, elle confirme sa présence à la conférence au Maltais rouge. Plus encore, elle se dit « choquée » et « indignée » par la tournure de la rencontre : « Parler de la liberté de la presse était le dernier souci des organisateurs. À mon sens, chacun avait ramené sa propre cause à cette soi-disant conférence de presse. Il y avait ceux alliés de la défense de Hamieddine, poursuivi dans l’affaire du meurtre d’Aït Eljid, ou encore ceux qui s’alignent pour défendre Bouachrine contre ses victimes. Ou encore ceux qui versent dans le chantage et font de Paris leur tribune pour s’en prendre au Maroc, ce dont ils ont fait un métier, voire une guerre sacrée. Et, bien entendu, il y a ceux qui se réjouissent à chaque fois que l’image du Maroc est écornée, notamment les séparatistes. Au milieu de ce mélange, il y avait quelques droit-de-l’hommistes qui ont vidé les caisses de leurs institutions pour leur propre agenda. Sans omettre ceux qui tentent, par tous les moyens, de se soustraire des casseroles qu’ils traînent et versent dans la surenchère tous azimuts pour tenter de décrocher le statut du martyr ».