Au Salon Halieutis, le bilan d'Akhannouch à la grande criée annuelle

Le Salon Halieutis de la pêche maritime s'est clôturé le 24 février à Agadir. Les principaux acteurs du secteur ont répondu présents. Cependant, chacun poursuit son propre but.

Par

C’est même mieux que le salon de Lorient », rougit de plaisir un armateur breton en plantant sa fourchette dans un Saint-Pierre à la plancha. « Oui oui », répondent en choeur les deux hommes qui l’accompagnent. Le premier, c’est son fils, destiné à reprendre l’affaire familiale, une PME de construction de bateaux spécialisée dans les chalutiers à langoustes.

« Nos bateaux sont dotés d’un mécanisme pour racler les fonds marins, à de grandes profondeurs. C’est comme ça qu’on attrape les langoustes », précise-t-il en mimant l’action sur la nappe en papier à l’aide d’un couteau. Le second est architecte de bateau de pêche et de plaisance. Ces trois-là viennent de décrocher un contrat. Un armateur marocain leur a passé commande pour deux bateaux. Alors ils viennent fêter l’événement au « Petit pêcheur », le restaurant officiel du Salon Halieutis de la pêche maritime.

« On est ici pour faire des affaires »

Le décor, quatre chapiteaux en PVC blanc et bleu communiquant entre eux. Les exposants sont au rendez-vous. De l’armateur qui construit les bateaux, à l’industriel qui assaisonne et met les sardines en boîte en passant par les spécialistes de l’aquaculture, tous les maillons de la chaîne de l’industrie halieutique sont de la partie. Presque 300 exposants, quelque 200 journalistes du Maroc et d’ailleurs, des officiels d’importance et de nationalités diverses arpentent les 16.000 m2 d’exposition. On se serre la main, on s’informe, se congratule, on négocie.

« Nous, on est ici pour faire des affaires, pas juste pour se faire voir, » avertit cet entrepreneur, en tapant du poing dans sa paume. Sa société, basée en Vendée (France), revend des moteurs et des pièces détachées d’occasion. Les entreprises françaises travaillant dans la pêche, encouragées par des subventions, sont nombreuses. Distancée par l’Espagne dans les partenariats de pêche avec le Maroc, la France est venue, en force, rattraper son retard. Frédéric Cuvilier, l’ancien secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, aujourd’hui maire de Boulogne-sur-Mer, mène la troupe.

« Le Maghreb représente un marché prometteur pour nous. Alors on fait tous les salons, au Maroc, en Algérie, en Tunisie, à la recherche de nouveaux clients. À la longue, on s’est constitué un réseau. Là, un armateur marocain, un client à nous, vient de me commander des moteurs pour sa flotte. Il m’a dit: ‘Si tu peux m’en trouver dix, je te les prends d’un coup’. J’espère y arriver, » explique le gérant de Littoral, un peu nerveux. Le portable vibre. Communiqué de presse: « L’Office National des pêches reconduit ses partenariats de coopération avec le port de Lorient et la ville de Boulogne-sur-Mer. »

Mouvement de foule. Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, vient d’arriver. Le Salon Halieutis, c’est lui. Aziz Akhannouch est l’homme que tous les yeux veulent voir, que toutes les mains veulent saluer, à qui toutes les bouches veulent parler. Peu, cependant, y arrivent. L’homme arpente les allées à un rythme effréné, suivi à la trace par une nuée de ministres étrangers et de conseillers particuliers. Claudia Wiedey, l’ambassadrice de l’UE au Maroc, accompagnée de ses assistants, a bien du mal à accorder son pas à la marche énergique du ministre.

« Nous avons le plus beau stand du Salon »

Les photographes et les caméramans se marchent sur les pieds, le service de sécurité est débordé. Aziz Akhannouch court d’un stand à l’autre, sans dédaigner les plus modestes d’entre eux. Soudain, un chant retentit. Il vient du coin togolais, où un groupe de femmes en pagne fait un accueil lyrique au ministre.

La pêche, c’est un des axes de la coopération africaine que le Maroc souhaite mettre en avant. En témoigne la présence sur le salon de Mohcine Jazouli. Le ministre délégué chargé de la Coopération africaine rappelle d’ailleurs que six points de débarquement pour la pêche traditionnelle ont été construits par le Maroc, ou sont en cours de construction en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Sénégal et au Congo.

Aziz Akhannouch s’arrête, applaudit, dit quelques mots de circonstance, mais doit tout de suite repartir. Dans son stand XXL, la délégation russe l’attend de pied ferme.

Aziz Akhannouch devant les chanteuses togolaises.

« Je crois que nous avons le plus beau stand du Salon », s’enorgueillit une hôtesse russe en tailleur rouge. Sur une immense paroi, un écran montre une photo du roi Mohammed VI serrant la main de Vladimir Poutine. C’était en 2016, lors de la visite officielle du souverain à Moscou. Contre 7 millions d’euros par an, la Russie avait alors obtenu du Royaume l’autorisation de pêcher dans ses eaux territoriales. Aujourd’hui, les filets de pêche russes attrapent quelque 100.000 tonnes de marchandise au large des côtes marocaines.

Trois des plus gros producteurs halieutiques russes ont d’ailleurs fait le déplacement. Il y a aussi un traiteur spécialement venu de Moscou qui approvisionne, en flux tendu, le stand en plats à base de poisson. En mars 2020, l’accord de pêche russo-marocain arrivera à son terme. On comprend aisément pourquoi Moscou a voulu faire bonne impression lors de ce salon. Les négociations pour la prolongation du partenariat auraient d’ores et déjà débuté.

Une atmosphère de bilan

Ambiance studieuse sur le plus grand stand du salon, celui du ministère de l’Agriculture et de la Pêche. À l’intérieur de l’élégante structure de bois clair, les différents départements qui interviennent dans les affaires de la pêche ont tous été mobilisés. Objectif: communiquer sur les actions entreprises par le gouvernement au cours des dix dernières années pour valoriser le secteur halieutique. Des panneaux d’affichage courant sur les quatre côtés de l’enceinte informent les visiteurs sur les diverses réalisations de l’administration des pêches.

Initiée en 2007 par Aziz Akhannouch, la « Stratégie Halieutis » atteindra en 2020 l’horizon qui lui avait été fixé. Affichant des objectifs ambitieux et précisément chiffrés, ce plan projetait de placer le secteur de la pêche à des niveaux de compétitivité jamais atteints auparavant. Alors, un an avant terme, il flottait dans le Salon Halieutis comme une atmosphère de bilan.

En 12 ans, la production halieutique a enregistré une forte hausse pour atteindre 1.371 kilotonnes en 2018. Par voie de conséquence, les exportations des produits de la pêche ont presque doublé, passant de 1,2 milliard de dollars en 2007 à 2,3 milliards en 2017, donnant un vrai coup de fouet à l’industrie nationale.

En outre, la quasi-totalité des espèces pêchées aujourd’hui le sont en fonction de quotas écologiques respectueux des périodes de reproduction. Dans un contexte de raréfaction globale des ressources marines, cette avancée, unique sur le continent, place le Maroc comme un acteur incontournable de la pêche durable dans le monde.

En revanche, prononcez au salon tout haut le mot « aquaculture », et l’on se détournera aussitôt de vous. L’aquaculture est la grande tache noire du plan Halieutis. L’effort pour encourager ce secteur dont la ligne de croissance monte en flèche depuis 30 ans et s’apprête à croiser bientôt la ligne stagnante de la pêche de capture était pourtant l’un des piliers du plan de développement. Les chiffres sont éloquents. Inexistante au Maroc en 2007, l’aquaculture reste introuvable plus de dix ans après.