Dans une affaire de liberté de culte, la Cour d’appel de Taza a innocenté un individu accusé d’avoir incité un musulman à se convertir au christianisme », révèlent nos confrères de Medias24. Dans cet arrêt rendu en novembre 2018 (dossier n° 482/2018) que TelQuel a pu consulter, la Cour d’appel de Taza confirme un jugement qui innocente un individu, poursuivi pour avoir « ébranlé la foi d’un musulman ». Une infraction à l’exercice des cultes, inscrite dans le Code pénal marocain.
Le prévenu Y.G avait fait l’objet d’une plainte déposée par « son ami », qui l’avait accusé de lui avoir proposé des livres sur l’évangile, considérant cet acte comme une tentative de l’inciter à se convertir au christianisme. En retenant cette accusation, le parquet décide de poursuivre l’individu sur la base de l’article 220 du Code pénal.
L’article en question punit d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams quiconque « emploie des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un musulman ou de le convertir à une autre religion, soit en exploitant sa faiblesse ou ses besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements d’enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats ».
Le 28 mars 2018, le prévenu avait été innocenté en première instance par le tribunal de Taza. Après le recours introduit par le procureur du roi, la Cour d’appel s’est alignée sur la décision du tribunal de Taza et a prononcé, le 22 novembre, l’innocence de l’accusé.
La Cour précise dans son arrêt que l’article 220 du Code pénal fait écho au Pacte relatif aux droits civils et politiques. Celui-ci stipule dans son article 18 (alinéa 3) que « la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui ».
Dans son arrêt, la Cour d’appel de Taza estime d’une part que « les musulmans croient en l’Evangile », celui-ci faisant partie « des livres célestes ». La Cour souligne d’autre part l’absence d’éléments « matériel et moral » constitutifs de l’infraction.
« Les faits ne révèlent aucune volonté, par le prévenu, de mettre en doute la foi du plaignant en tant que musulman, ou de l’inciter à changer sa religion », note encore la Cour. « Rien ne prouve que le prévenu invite le plaignant à se convertir au christianisme avec une méthode structurée et organisée », poursuit l’arrêt. L’instance conclut, en citant le coran : « Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez ». L’arrêt précise que l’affaire ne dépasse pas « le cadre de la parole divine ».