Dans une résolution proposée en commun par les principaux groupes politiques du Parlement, les eurodéputés ont reconnu M. Guaido « comme président par intérim légitime de la République bolivarienne du Venezuela » et ont appelé tous les pays de l’UE à faire de même. Par ailleurs, les deux journalistes français et trois journalistes de l’agence espagnole EFE — un reporter espagnol, une vidéaste colombienne et un photographe colombien — ont été relâchés jeudi en vue de leur expulsion, a-t-on appris de sources officielles.
Pierre Caillé et Baptiste des Monstiers, qui travaillent pour l’émission « Quotidien » du journaliste et animateur Yann Barthès sur la chaîne française TMC, « soulagés et un peu fatigués », « vont bien et vont quitter le Venezuela dans quelques heures », a précisé l’ambassadeur de France Romain Nadal. Un peu plus tôt, l’agence EFE avait annoncé la libération de ses trois salariés.
Mercredi, deux journalistes chiliens ont également été expulsés. Les arrestations d’envoyés spéciaux sont intervenues peu avant une nouvelle manifestation samedi à l’appel de l’opposition, qui exige la mise en place d’un gouvernement de transition et l’organisation d’élections générales libres. Nicolas Maduro et ses partisans « ne pourront pas empêcher que le monde sache ce qui se passe au Venezuela », a réagi sur Twitter Juan Guaido, 35 ans, qui a écarté l’hypothèse d’une guerre civile dans son pays. « Le risque d’une guerre civile n’existe pas, contrairement à ce que certains veulent croire ou ont laissé croire. Pourquoi? Parce que 90% de la population veut un changement« , a-t-il assuré dans un entretien publié jeudi par le quotidien espagnol El Pais.
Celui qui s’est autoproclamé le 23 janvier chef de l’Etat par intérim et préside l’Assemblée nationale vénézuélienne a commencé à exposer son plan pour sortir son pays de la crise, qui a poussé des millions de Vénézuéliens à émigrer. « Nous allons travailler pour stabiliser l’économie, répondre immédiatement à l’urgence humanitaire, rétablir les services publics et surmonter la pauvreté« , a-t-il expliqué sur Twitter. « Nous savons comment y arriver« , a ajouté ce député social-démocrate.
Déterminé à occuper lui aussi le terrain, le président Maduro a convoqué la presse dans la matinée, sans plus de précisions. Juan Guaido a cependant mis en garde contre le « risque de violence » de la part de « Maduro et de son régime« , qui utilisent les forces spéciales de police et « les paramilitaires« . Le risque de troubles civils est en effet accru dans ce pays de 32 millions d’habitants, l’un des plus violents au monde. Surtout que samedi, les deux camps qui ont chacun prévu de manifester, ce qui risque de créer des affrontements. Depuis le début des mobilisations le 21 janvier, une quarantaine de personnes ont été tuées et plus de 850 arrêtées, selon l’ONU.
Juan Guaido a renouvelé son appel à la toute-puissante armée vénézuélienne à ne pas reconnaître Nicolas Maduro comme président: « Je suis convaincu qu’à un moment donné (…) l’armée va finir par manifester en bloc son mécontentement, et profiter de cette opportunité pour se placer du côté de la Constitution. Et pas seulement parce que nous proposons l’amnistie et des garanties« .
Le pays aux énormes ressources pétrolières, autrefois le plus riche d’Amérique latine, a sombré économiquement et ses habitants souffrent de graves pénuries de nourriture et de médicaments, ainsi que d’une inflation galopante (10.000.000% en 2019 selon le FMI), ce qui a fait chuter la popularité du dirigeant socialiste. « Les conditions sont favorables à Guaido, avec un soutien international décisif mené par les Etats-Unis« , que Nicolas Maduro accuse d’orchestrer un coup d’Etat, explique à l’AFP l’analyste Carlos Romero. « Et l’aggravation de la crise économique joue aussi« .
Encore inconnu du grand public il y a un mois, Juan Guaido s’est autoproclamé président par intérim en invoquant une vacance du pouvoir car l’opposition juge le second mandat du chef de l’Etat, entamé le 10 janvier, illégitime car issu d’élections frauduleuses. Six pays (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Portugal) ont donné au président Maduro jusqu’à dimanche pour convoquer des élections, sinon ils reconnaîtront son adversaire. Mais jusqu’à présent il semble balayer ces menaces d’un revers de la main.
Parallèlement, la pression des Etats-Unis se fait chaque jour plus insistante, via des sanctions financières pour asphyxier le gouvernement et des mises en garde répétées. « Le combat pour la liberté a commencé!« , a tweeté Donald Trump à l’issue d’une journée de manifestations mercredi. De quoi prêter le flanc aux accusations de Nicolas Maduro, qui a lancé lors d’un meeting face à des jeunes Vénézuéliens : « Vous voulez qu’une marionnette des gringos gouverne au Venezuela?«