Un début d’entente entre Washington et les Talibans préconise le départ des troupes US

Les Américains célèbrent une « percée » dans le dossier afghan, mais l’inquiétude persiste quant aux conséquences de leur départ sans un véritable accord de paix.

Par

AFP PHOTO / AFGHAN PRESIDENTIAL PALACE

Après 17 ans de guerre, un croquis d’entente entre les Etats Unis et les Talibans témoigne sans doute d’un tournant historique, surtout aux yeux des américains. Après des mois de pourparlers lancés l’été dernier, les autorités américaines affichent aujourd’hui, à la suite de six jours de négociations qui ont eu lieu au Qatar, un grand optimisme ainsi qu’un certain orgueil vis-à-vis de cette bribe d’avancée qui arrive après des années de conflit stagnant. Par la voix du négociateur Zalmay Khalilzad, les Etats Unis se disent en effet confiants quant à une entente qui est en train de se délinéer avec les Talibans. Mais à quelles conditions ? D’après l’issue des premières tractations, les Talibans s’engagent à ne pas réduire le pays à une base pour « terroristes », tandis que les Etats Unis promettent la retraite rapide de leurs troupes, présentes sur le territoire afghan depuis 2011, suite aux attentats du 11 septembre, et pour faire face à l’insurrection islamiste qui s’est générée par la suite.

Mais les promesses échangées jusqu’ici restent assez volatiles, surtout de la part des Talibans qui n’ont donné aucun détail quant au futur partage du pouvoir avec le gouvernement du président afghan Ashraf Ghani, la « marionnette » des Américains comme l’appellent les rebelles, après le départ des troupes. Les Talibans ont en effet nié de vouloir s’engager dans de futures négociations avec le gouvernement en place, rendant ainsi encore plus faible l’idée même d’un processus de paix. «Une promesse verbale » commente sceptique à l’AFP Michael O’Hanlon, du cercle de réflexion Brookings à Washington. Si en effet le tournant ne peut pas être nié dans le cadre d’un conflit décennaire, le chemin à parcourir est surement encore long et difficile car l’engagement des Talibans semble plutôt «un geste de bonne volonté qu’une véritable concession » confie à l’AFP Michael Kugelman du Wilson Center, un think tank américain.

De même, l’insistance des forces talibanes vis-à-vis du retrait des soldats américains laisse percevoir une sorte d’acquiescement de ces derniers à l’égard de la volonté des islamistes. Et tout cela dans le cadre du projet mené par le président Trump de quitter militairement le Moyen Orient, comme nous l’avons vu précédemment en Syrie, sous la devise « America First » qu’il brandissait lors de sa campagne électorale. « L’administration Trump serait clairement contente de brandir un succès pour trouver une manière de terminer, ou en tout cas de réduire drastiquement, sa mission actuelle » affirme à l’AFP Michael O’Hanlon. Ce que craignent alors les experts est que cette apparente « percée » ne soit finalement qu’un moyen pour les Etats-Unis de sortir d’Afghanistan, et de satisfaire ainsi au programme électoral de Trump ainsi qu’à la volonté des Talibans. Comme le dit Laurel Miller, émissaire américaine pour l’Afghanistan et le Pakistan jusqu’en 2017, avant de célébrer ce tournant il faudrait voir « si le vrai changement c’est seulement que les Etats-Unis veulent partir et sont à la recherche d’une manière d’y parvenir ». Les conséquences d’un retrait pas assez réfléchi et négocié avec les Talibans pourraient en effet donner libre cours aux intérêts des islamistes sur le territoire afghan, c’est pourquoi Mme Miller nous met en garde : « Si les Américains partent abruptement sans accord de paix, ou alors avec un accord qui n’est en fait qu’un prétexte pour pouvoir partir », alors l’Iran, la Russie et la Chine « vont venir soutenir leurs alliés traditionnels en Afghanistan, l’autorité centrale va s’émietter et la guerre civile va s’intensifier et se généraliser ».