En 2030, la ville de Casablanca devrait compter 5,3 millions d’habitants. Cette prévision du Haut-commissariat au plan (HCP) remet sur la table le problème de la mobilité dans une ville déjà saturée. Pour s’en prémunir, la société de développement local (SDL) Casa Transport, a organisé le 16 janvier à Casablanca, une journée d’étude sous le thème « Plan de déplacements urbains, premiers résultats et horizons ». L’objectif ? Lancer le débat sur le Plan de déplacements urbains (PDU) à l’horizon 2030 et présenter des scénarii capables de décongestionner la capitale économique du futur.
Un PDU 2004 resté lettre morte
Pour l’histoire, en 2004, la région du Grand Casablanca avait commandé la réalisation de la première étude portant sur la conception d’un PDU de la ville à l’horizon 2019. Accordée au groupement BCEOM-SCET- Maroc, CADTECH et SARECO, ce marché a coûté 25 millions de dirhams.
Prêt en 2008, ce document stratégique de planification des transports devrait permettre de « coordonner les politiques sectorielles entre les différents acteurs et mettre en cohérence les divers modes de déplacements de personnes et de marchandises », mais également de « constituer un cadre de référence continu et prospectif pour aider les décideurs à faire des choix cohérents dans le temps et dans l’espace, et réalistes financièrement », nous apprend Nabil Belabed, directeurs de Casa Transport.
Une décennie après, une seule recommandation figurant sur cette feuille de route stratégique a été réalisée, il s’agit de la mise en œuvre du schéma directeur du Transport collectif en site propre (TCSP) avec la ligne 1 du tramway et le réseau global 2015-2022 prévoyant la réalisation de 3 lignes tram et 3 lignes BHNS.
Cet échec est principalement dû au « caractère non obligatoire du PDU », autrement dit, les acteurs institutionnels ne sont pas tenus de traduire les recommandations du PDU, à la « problématique de l’interaction PDU-urbanisme », à « la non-sensibilisation des acteurs opérationnels sur les mesures du PDU », mais également à « l’absence d’une véritable autorité organisatrice », a expliqué Nabil Belabed.
L’actualisation du PDU, une nécessité
En plus de sa faible prise en compte, le PDU 2004 est devenu « obsolète » face aux mutations auxquelles a assisté la capitale économique (explosion démographique, expansion de la surface urbaine, et évolution de l’environnement transport), mais aussi face aux grands changements apportés par l’adoption de la régionalisation avancée (l’extension du périmètre de la Région, la réactivation de l’Autorité d’organisation des déplacements urbains (AODU), etc.), a souligné le directeur de Casa Transport.
Outre ces contraintes organisationnelles et politiques, la nécessité de repenser le PDU se justifie également par l’ampleur des besoins à couvrir dans un futur proche. Selon l’enquête ménage déplacements (EMD), réalisée par le cabinet de conseil Systra et Transitec, et dont les résultats ont été présentés lors de cette journée, les Casablancais réalisent actuellement 7,8 millions de déplacements par jour. En 2030, Casablanca devra absorber 2,5 millions de déplacements supplémentaires, soit le nombre de déplacements que réalisent les habitants d’une grande ville comme Marrakech.
À constater l’état des lieux actuel, « ces besoins ne pourraient pas être assouvis », principalement à cause « de la saturation du réseau routier qui compte actuellement 1,3 million de voitures et 250.000 deux roues motorisés en circulation chaque jour », mettent au clair les experts Systra & Transitec, le bureau de conseil en charge de la réalisation de la nouvelle étude pour une enveloppe de 13 millions de dirhams. Ils pointent aussi l’insuffisance du réseau TCSP en construction : « Avec 6 lignes de tram plus les Bus à haut niveau de service (BHNS) à horizon 2022, le réseau structurant est équivalent celui d’une ville européenne de 400.000 habitants, soit 10 fois moins que Casablanca ». A cela s’ajoute « un réseau de bus peu attractif ».
Les leviers du nouveau PDU
Le nouveau PDU doit permettre de dépasser les problèmes posés actuellement et répondre à la problématique soulevée par les experts du nouveau bureau de conseil : « Comment définir, construire et exploiter un système de transport multimodal et multiservice qui soit capable de satisfaire à horizon 2030 2,5 millions de déplacements quotidiens supplémentaires dans un contexte de périurbanisation croissante et d’augmentation de la motorisation des ménages casablancais, tout en garantissant une métropole plus durable, plus sociale, plus sûre et plus accessible ? ».
La nouvelle stratégie dont les contours ont été esquissés lors de cette journée se décline en trois leviers essentiels. Le premier étant « la mise en œuvre d’une politique plus capacitaire pour faire face au développement des territoires », ceci passe notamment par « l’insertion de lignes de transports et d’itinéraires structurants dans le territoire au détriment de l’automobile permettant de satisfaire une demande de plus en plus importante », expliquent les experts de Systra & Transitec.
Le deuxième levier se repose sur une meilleure articulation urbanisme/transport. Ceci passe par la « maîtrise de la périurbanisation », d’une part, et par « l’articulation urbanisme-transports pour la promotion des modes alternatifs à l’usage de la voiture en solo », de l’autre. La bonne gouvernance efficace est responsable constitue le dernier levier de cette nouvelle stratégie. Ceci passe par « la définition des responsabilités, la mise à disposition des ressources financières nécessaires, la formation des ressources humaines, et l’implication de la société civile dans la réussite des différents chantiers », poursuivent les stratèges.
Le projet du métro aérien ressuscité
Avant la tombée de rideau sur les travaux de cette journée d’étude, une réflexion a été lancée sur les transports du futur qui seront à même de résoudre la problématique des déplacements à l’intérieur de la ville de Casablanca et son hinterland régional. En plus du développement du tramway et la revalorisation du bus, les experts de Systra & Transitec ont remis sur la table la possibilité d’opter pour le Métro aérien suspendu, étant un moyen de transport plus capacitaire et demandant moins d’espace pour ses infrastructures.
Rappelons que l’idée de doter la capitale économique d’un métro aérien a effleuré l’esprit de plusieurs décideurs politiques. En 2010 déjà, Mohamed Sajid, alors président du Conseil de la ville, avait commandité une étude portant notamment sur la mise en place d’un métro aérien reliant le quartier Moulay Rachid au centre sur une distance de 15 km. Ce projet a été abandonné en 2014, à cause d’un coût jugé « très onéreux », mais aussi à des limites d’ordre technique.
En décembre 2017, le Maroc signait avec le spécialiste chinois de la mobilité électrique BYD un mémorandum d’entente pour la mise en place d’un écosystème du transport électrique. Voiture, bus, batteries… mais aussi monorail et rame de métro-aérien. A Shenzhen, où se trouve le siège de BYD, les équipes du ministère de l’Industrie chargées de négocier le deal avait été séduites par son métro aérien made by BYD, et l’imaginaient déjà sillonner le Boulevard Zerktouni, à Casablanca.