La précision des souvenirs d’Abdelhay Demnati

Il reste encore ce week-end pour découvrir à la galerie B & S de Casablanca l’exposition « De la mémoire en miniature » qui nous plonge dans l’univers psychique de l’artiste marocain Abdelhay Demnati, fait de scènes quotidiennes et de rites traditionnels.

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Avec ses teintes variées, ses détails infinis et ses multiples suggestions, l’exposition intitulée « De la mémoire en miniature » se poursuit à la B & S Art Gallery de Casablanca jusqu’au 20 janvier 2019. Il a fallu quatre ans et demi aux responsables de l’exposition pour rassembler les 37 œuvres dans cette petite galerie située dans le quartier Racine.

L’art que nous propose Abdelhay Demnati, né en 1962 et originaire de Fès, est en effet avant tout un art de patience, où chaque détail est révélateur du temps nécessaire à sa création. D’une précision à la limite de l’entendement, la technique utilisée par Demnati est celle de la miniature, très ancienne, part importante de l’art arabo-islamique, dont le principal représentant au Maghreb arabe a été l’algérien Mohammed Racim (1896-1975) qui a également introduit cet art figuratif au Maroc.

En moyenne, Abdelhay Demnati passe quatre mois sur chacune de ses œuvres. C’est donc un don de temps et de patience que l’artiste nous offre, tout en nous plongeant dans les mémoires de son enfance à Fès. Le visiteur a le sentiment de pénétrer dans ses souvenirs, petit à petit, en ouvrant plusieurs portes. D’abord celle du cadre décoratif qui entoure toutes les scènes représentées, riche de couleurs lumineuses et de lignes sinueuses. Ensuite la porte d’un Riad, d’un café ou d’une école, ou même la petite ouverture d’une fenêtre qui nous révèle un paysage plus lointain ou une scène furtive. C’est comme regarder à travers une serrure pour découvrir des situations à la fois intimes, car elles font partie d’une mémoire personnelle qui ne nous appartient pas, et conviviales, car elles se rapportent également à une mémoire collective de traditions et de rites traditionnels. Les cafés populaires, les mariages, l’intimité féminine dans les riads, les cours à la Karaouiyine…

Ces scènes quotidiennes et ses protagonistes miniatures font appel à des sensations viscérales qui dépassent un ancrage spatial et temporel et peuvent toucher et émouvoir même ceux qui ne les ont pas vécues. Le travail de Demnati est d’abord un travail de transmission, pour que cette mémoire à la fois personnelle et collective ne se stérilise pas dans les souvenirs volatiles d’une génération qui est en train de passer. Dans une interview à la Chaine Inter, Abdelhay Demnati disait à propos de son exposition « C’est une mémoire que je partage. Je raconte des histoires que j’ai vécues dans ma ville natale et je le fais à travers les traditions marocaines que nous partageons tous. Je voudrais à travers cette exposition protéger ces traditions, la richesse de cette culture que malheureusement la nouvelle génération ne connait pas ».

Par Irene Fodaro