À Paris, un projet de mosquée "mixte" et "libérale"

Dans son édition du 3 janvier, le quotidien Le Monde informe d'un projet de mosquée "libérale" et inclusive qui pourrait émerger à Paris. Un lieu de culte se voulant comme une alternative et permettant au courant réformiste de s'exprimer.

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Vue de la Grande mosquée de Paris. Crédit: AFP

S’il venait à voir le jour, le projet d’une mosquée d’un genre nouveau serait une première en France. À Paris, deux musulmans, déçus par le paysage de la pratique du culte français, souhaitent porter un projet inédit : celui d’un lieu de culte « libéral » et mixte. Dans un article du Monde qui leur est consacré, l’un de ces deux interlocuteurs, Kahina Bahloul, évoque le besoin d’un discours alternatif : « Des gens cherchent une nouvelle façon de vivre leur islam, de comprendre les textes fondateurs. Ils sont dans un questionnement », explique cette doctorante en islamologie à l’École pratique des hautes études. Avant d’ajouter : « L’offre actuelle ne nous nourrit plus, ne nous parle plus ».

« Un vrai prêche, où tout le monde a sa place »

Ainsi, l’article du Monde indique que ce projet, appelé Mosquée Fatima, a trouvé naissance en réaction à l’insuffisance du paysage culturel musulman existant. Aux côtés de Kahina Bahloul, Faker Korchane souhaite un lieu de culte « où on peut avoir un vrai prêche, où tout le monde asa place ». Ancien journaliste devenu professeur de philosophie, il insiste sur le rôle du lieu de culte et de ce qu’il transmet aux fidèles. Mais il regrette que dans les faits : « On ne fait que passer à la mosquée. On se regarde en chiens de faïence en attendant l’imam, il prêche, on prie et puis on repart. »

S’il y reste toutefois une large partie des musulmans français qui se rendent dans les mosquées, pour les femmes, la situation apparaît bien différente. À l’image de Karina Bahloul, nombreuses sont celles ayant « renoncé à se rendre à la mosquée, n’acceptant pas d’être reléguées dans un pauvre sous-sol mal sonorisé ou dans un garage ouvert à tous les vents, où pendant que certaines prient, d’autres préparent le repas qui sera ensuite avalé par les hommes », déplore l’universitaire. Une situation qui amène Karina Bahloul à estimer que « dans les faits, les femmes sont exclues du rite de la prière »,  et qu’« on les prive de leur spiritualité ». 

« Des gens cherchent une nouvelle façon de vivre leur islam, de comprendre les textes fondateurs. Ils sont dans un questionnement », souligne Kahina Bahloul auprès du Monde, en insistant sur le fait que ce rapport des musulmans à l’institution religieuse en France est partagé par de « nombreuses » personnes.

Alors, pour tenter d’apporter une alternative à une pratique de culte jugée rigide ou désuète, Kahina Bahloul et Faker Korchane ont eu l’idée de créer un futur lieu de culte qui accueillera hommes et femmes, voilées ou non, dans la même salle de prière. Quant au prêche ? Il « y sera fait alternativement par un imam masculin et féminin, une première en France », poursuit la journaliste du journal français.

Opposition au tournant identitaire

L’objectif affirmé : « Permettre à la pensée réformiste de s’exprimer là où les gens écoutent, c’est-à-dire à la mosquée. Et de s’incarner », explique Faker Korchane, qui avait fondé l’association pour la renaissance de l’islam mutazilite, un courant rationaliste des premiers siècles qui associait fortement la foi et la raison. « Il y a une vraie soif, un vrai besoin d’un discours alternatif », développe la doctorante.

Un discours qui contrebalancerait avec le regain d’un discours religieux au fort relent de conservatisme prégnant dans les rangs musulmans depuis une quinzaine d’années en France. « Un tournant identitaire », évoquent les interlocuteurs, qui serait apparu dès les années 2004-2005 avec le débat sur le port du voile, la crise des banlieues et les questions identitaires dans la société française. De quoi rejeter l’appellation de « modérée » qui a émané dans le discours courant des partis politiques, médias et de l’opinion publique. Et aussi, de quoi irriter Faker Korchane : « Je déteste ce concept, il me rend dingue. Je suis un musulman tout court ». 

Cette mosquée « libérale » serait alors une première en France. Reste à trouver des locaux. D’après l’article du Monde, la Mosquée Fatima pourrait ouvrir ses portes si elle trouve une adresse, et donc les fonds nécessaires, ou un propriétaire qui accepterait de céder son terrain. 

Des mosquées inclusives et progressistes, il en existe déjà en Indonésie, aux États-Unis, en Afrique du Sud, mais également en Allemagne. À l’image des synagogues libérales, elles s’ouvrent à tous, sans distinction d’identité de genre ou d’orientation sexuelles, et avec la particularité d’un mélange mixte au moment des prières.