Dans le plus grand pays d’Afrique subsaharienne à l’histoire agitée, de premières tendances pourraient être distillées par les différents camps dès lundi ou mardi pour la succession du président sortant Joseph Kabila.
Les jours vont être longs et tendus d’ici dimanche, date prévue pour la publication de résultats provisoires officiels, avant les contentieux devant la Cour constitutionnelle.
Le « dauphin » de Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary, et les deux opposants Martin Fayulu et Félix Tshisekedi, ont déjà commencé la bataille des procès d’intentions avant même la centralisation des procès-verbaux pour cette troisième présidentielle depuis 2006.
« J’ai déjà gagné », a déclaré Ramazani Shadary dès dimanche matin après avoir voté.
« Il rêve debout », a ironisé le candidat de l’opposition Martin Fayulu dimanche soir devant la presse. « Nous avons été plébiscités par le peuple, et nous attendons les résultats. Nous avons notre centre de compilation interne ».
« Nous ne disons pas que nous avons d’ores et déjà gagné les élections », a ajouté le « ticket »de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, mettant déjà en garde contre des fraudes à l’annonce des résultats: « le peuple va assumer son choix ».
Taux de participation parmi les 40 millions d’inscrits, déroulement du scrutin dans les dizaines de milliers de bureaux de vote, gestion des opérations du dépouillement jusqu’à la centralisation des résultats… Des questions cruciales se posent qui peuvent allumer la mèche d’une contestation violente dans cet immense pays en quête désespérée de stabilité.
De Kinshasa à Goma, 2.000 km plus à l’est, de Kisangani à Lubumbashi, les premiers résultats étaient affichés à destination des habitants dans les centres de vote où le comptage des voix se poursuivaient lundi matin.
La participation ne dépassait pas 50% dans deux bureaux du centre Saint-Georges de Kinshasa et un bureau de vote de l’école Zanner à Goma, où l’opposant Fayulu arrivait largement en tête.
A Kisangani (nord-est), les « témoins » (observateurs) des partis politiques ont dormi à même le sol ou sur les pupitres d’un bureau de vote du centre La Sagesse pendant le comptage des bulletins de vote, a constaté un correspondant de l’AFP.
Très peu parvenaient à se concentrer sur le travail des agents de la Céni, soucieux de savoir s’ils seraient payés ou pas par les candidats pour leur travail d’observation.
« Il y a plusieurs cas » d’observateurs obligés de quitter les bureaux de vote dans les 26 provinces, a indiqué lundi matin à l’AFP un porte-parole de l’ONG Symocel, une des deux grandes mission d’observation électorale congolaise avec la Conférence des évêques (Cenco).
« Nous avons même eu des cas où nos observateurs ont été molestés et violentés, et déshabillées pour les femmes, à Mbuji-Mayi » (Kasaï, centre), a détaillé ce porte-parole, Luc Lutala.
A Mbuji Mayi, le parti historique d’opposition UDPS de Félix Tshisekedi a accusé le gouverneur Alphonse Ngoyi Kasanji d’intimider les agents électoraux et les témoins des partis politiques pour s’emparer des urnes et les remplir de bulletins en faveur du camp du pouvoir.
« Je l’ai appelé et je l’ai prévenu que nous n’accepterons pas les résultats qu’il essaie de se faire fabriquer », a déclaré à l’AFP le président fédéral de l’UDPS Denis Kalombo.
De son côté, le porte-parole du gouverneur Vincent Ngoyi accuse les militants de l’UDPS d’avoir tenté de s’emparer des machines à voter.
Le porte-parole de la Symocel a par ailleurs confirmé la mort de quatre personnes dans les opérations électorales dans la province du Sud-Kivu: « Il n’y a pas que les quatre morts, il y a aussi des blessés ».
« Un agent électoral essayait de tricher, de faire voter les gens pour le compte du candidat au pouvoir, ce qui aurait déclenché une réaction du public. La police est intervenue. De là, il y a eu ce bilan là », a-t-il détaillé.
Internet a été maintenu dimanche pendant la journée électorale mais le « filtrage » des photos et vidéos pourrait commencer sur les réseaux sociaux.
Le pape François a prié dimanche pour la République démocratique du Congo et a appelé tous les acteurs à assurer un déroulement « régulier et pacifique » des élections historiques, qui comportent également des volets législatifs et régionaux.
La communauté internationale est restée muette ou presque. « L’élément positif, c’est que ces élections ont eu lieu », a commenté le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders, en référence aux trois précédents reports du scrutin.