Alexandre Benalla vient perturber les fêtes de fin d'année de la présidence Macron

Alexandre Benalla inquiète une nouvelle fois l'Élysée en cette fin d'année. Ses aller-retours en Afrique embarrassent la présidence, entre tâches de consulting pour des gouvernements africains et liaisons dangereuses avec des intermédiaires douteux. 

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Alexandre Benalla ( à droite) aux côtés du président français Emmanuel Macron lors d'un diner organisé au Conseil français du culte musulman. Crédit: AFP

Aujourd’hui, je fais du consulting. J’ai une dizaine de pays en Afrique », explique, sans broncher, Alexandre Benalla au journal Le Monde. Démis de ses fonctions à l’Élysée après avoir été épinglé, par le quotidien, comme l’auteur de violences sur des manifestants en marge des défilés syndicaux du 1er mai, l’ancien chargé de mission refait parler de lui.  

Dans un courrier, consulté par Le Monde, adressé à Benalla et transmis au procureur de la République, l’Élysée s’inquiète des mystérieux voyages en Afrique de l’ex-chargé de mission. Sur un ton ferme, le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, explique que la présidence française ne pourrait « laisser sans réaction l’existence de relations d’affaires en France ou à l’étranger avec des intérêts privés, tout à fait incompatible avec vos fonctions ». Des « missions personnelles et privées » d’Alexandre Benalla qu’il n’aurait « jamais révélées avant [sa] prise de fonctions ou qui auraient été nouées ou qui se seraient perpétuées alors que vous étiez en fonction », insiste le courrier daté du 22 décembre. 

Un message aux allures de sérieux avertissement adressé à l’ancien proche du chef d’État. D’autant que Benalla s’était rendu au Tchad trois semaines avant la récente visite d’Emmanuel Macron, les 22 et 23 décembre, pour rencontrer les militaires français et son homologue Idriss Déby. 

Les liaisons africaines de Benalla 

Plus de six mois après le début de l’affaire Benalla, les activités de l’ancien collaborateur de Macron embarrassent toujours l’Élysée. D’après les informations du Monde, l’ancien garde du corps de 27 ans aurait été reçu par Idriss Déby et son frère, Oumar, à la tête de la direction générale de la réserve stratégique tchadienne.

Il aurait été, selon une source du quotidien, accompagné par « une demi-douzaine de personnes [voyageant] par avion privé, réglant les frais par carte bleue ». Une information confirmée par l’entourage d’Alexandre Benalla dans les colonnes de l’Express. Il aurait alors rencontré « pendant deux heures » le président tchadien qui aurait « découvert sa présence quand [Alexandre Benalla] est entré dans son bureau » et auraient été accompagnés « d’une délégation de chefs d’entreprise étrangers, des grands patrons du Moyen-Orient »

D’après Le Monde, Benalla aurait été accompagné par Philippe Hababou Solomon, « un discret homme d’affaires franco-israélien, spécialiste de la diplomatie privée en Afrique pour le compte de gouvernements ». L’homme « s’est piqué de former Alexandre Benalla », devenant ainsi une sorte de mentor. 

En octobre déjà, les deux hommes se seraient déjà rendus, « sans visa », au Congo-Brazzaville dirigé « depuis plus de trente ans par un autocrate ami de la France Denis Sassou-Nguesso » et où ils ont été logés au sein de la résidence présidentielle ajoute le quotidien français. Cette mystérieuse rencontre  intrigue d’autant qu’elle interroge sur ces motivations réelles. Parmi elles, la volonté du dirigeant congolais de se rapprocher de Macron par l’intermédiaire du duo. 

Même son de cloche chez Paul Biya, au Cameroun, ou se sont également rendus les deux hommes. Benalla y aurait rencontré le chef d’état-major et le directeur de cabinet du président camerounais , à Yaoundé. Le Monde croit savoir qu’au Cameroun, comme au Tchad, les deux hommes étaient accompagnés de quatre Turcs mis en lien par Salomon  avec une société soudanaise de textile, ainsi que « Barer Holding, une joint-venture entre le Qatar et la Turquie » y étaient pour affaire. Motif ? Négocier « la vente d’uniformes pour les forces de sécurité camerounaises et tchadiennes et discuter d’investissements du Qatar ». 

L’Élysée et le Quai d’Orsay embarrassés

Une toile qui n’est pas sans rappeler une certaine idée de la Françafrique parallèle à l’Élysée. L’intéressé, lui, ne semble pas minimiser l’affaire. Alexandre Benalla a prévenu ne plus vouloir « se taire » et entend « charger ses avocats de saisir le procureur de la République ». « Je ne cale pas mon agenda sur celui d’Emmanuel Macron », déclare-t-il à l’Express.

S’il dénonce des propos de l’Élysée qu’il estime « diffamatoires », « calomnieux » et « irresponsables », l’homme semble incriminer « certaines personnes de la présidence », sans toutefois les nommer. « Ils se prononcent sur la base de rumeurs. Est-ce qu’on gouverne avec des rumeurs ? Ils vont désormais faire un communiqué à chaque fois qu’il y a une rumeur me concernant ? »

« Je les a informés, et ils en font un problème », se défend Benalla. Une chose que la présidence française n’a pas niée, mardi 25 décembre à l’AFP : « Quelles que soient les démarches qu’entreprend M.Benalla, il n’est pas un émissaire officiel ou officieux de la présidence de la République ». 

Cinq mois après le limogeage de l’ancien collaborateur, une autre interrogation agite ces mystérieux voyages. D’après des informations de Mediapart révélées ce 27 décembre, Alexandre Benalla aurait effectué ces différents déplacements en Afrique avec deux passeports diplomatiques français. L’homme pourtant n’a eu de cesse d’affirmer aux sénateurs, devant la commission d’enquête du Sénat, avoir laissés les précieux sésame sur son bureau de l’Elysée. 

L’un d’eux a été délivrée le 24 mai 2018, soit plus de trois semaines après sa mise à pied. Il aurait été utilisé pour « entrer dans différents pays africains ainsi qu’en Israël », indique Mediapart. Ce document est réservé aux diplomates de carrière, bien que certains membres de cabinet peuvent y avoir droit, s’ils exercent certaines missions relevant du domaine réservé de l’État. Le Quai d’Orsay, lui, affirme avoir réclamé ces précieux sésames en juillet et indique « examiner les suites à donner, y compris judiciaires ». 

Racisme

Alors qu’elle a connu une fin d’année mouvementée dans le contexte « Gilets jaune », l’Élysée voit une nouvelle affaire lui tomber dessus dans une année 2018 qui fut des plus compliqués. Une situation qui n’a pas manqué de faire réagir l’opposition. « On a toujours été malheureusement habitués dans les affaires Françafrique à des personnages comme ça assez sulfureux, jouant les intermédiaires plus ou moins officieux, explique Éric Coquerel, député La France insoumise. Avant d’ajouter : Alors je ne sais pas si Monsieur Benalla est de cette trempe mais si c’est le cas, c’est vraiment gravissime».

«Il faut qu’il nous explique très clairement pourquoi il est allé au Tchad, dans quelles conditions, de manière qu’on ne puisse pas supposer qu’il y a un lien entre ce qu’il fait et la démarche de Macron», fustige le député Rassemblement national Gilbert Collard.

Alexandre Benalla prêtant serment lors de son audition par une commission du Sénat.Crédit: AFP

Benalla, qui vit désormais à Londres avec sa compagne et son bébé, s’est également défendu des quelconques liaisons troublantes qu’il entretien, outre ses contacts africains. Parmi eux, Alexandre Djouhri, sulfureux hommes d’affaires français, lié à Nicolas Sarkozy et proche du banditisme. « A ma connaissance son casier est vierge. Sulfureux pas sulfureux, je [ne] connais pas. Ce que je connais, c’est la loi », a argué Alexandre Benalla auprès du Monde. Avant de pointer … le racisme dont ils sont l’objet : « Il y a un certain racisme dans notre pays. Que ce soit lui ou moi, on est renvoyé à nos origines, une manière de dire que l’on n’est pas à notre place. »

Rappelons qu’Alexandre Benalla est d’origine marocaine. S’il avait déjà travaillé pour la société Velours à Casablanca, un cabinet en conseil de sécurité privée fondé par deux anciens policiers, le jeune homme de 27 ans était soupçonné, en septembre dernier, d’envisager un retour au Maroc pour monter sa propre société de sécurité, d’après des informations de RTL. Une chose que l’intéressé et son entourage ont niée en bloc.