C’est une petite entreprise qui ne connaît pas la crise : investir en Espagne moyennant la nationalité. Selon le Conseil général du notariat espagnol, les Marocains sont devenus, au premier semestre 2018, les premiers investisseurs étrangers (hors Europe) dans l’immobilier en Espagne. Avec 3.662 achats au premier semestre, ils sont passés devant les Chinois (2.222), les Russes (1.689) ou encore les Américains (556), et restent dans le sillage des Français (4.211), des Allemands (4.138) et des Roumains (3.872). Cette augmentation, qui dure depuis 2012, coïncide avec celle des obtentions de la nationalité espagnole par des ressortissants marocains.
Après l’explosion de la bulle immobilière en Espagne, le gouvernement cherche, par tous les moyens, à se débarrasser des quelque 900.000 de logements vacants. Mais récession et chômage obligent, le stock ne s’écoule pas, faute de repreneurs. Plan B : proposer d’octroyer un permis de résidence aux étrangers n’appartenant pas à l’Union européenne s’ils achètent un logement d’une valeur égale ou supérieure à 500.000 euros libre de toutes charges, c’est-à-dire, sans hypothèque. Une proposition qui reste moins chère que la République de Malte qui met en vente sa nationalité pour la modique somme de 650.000 euros.
La clef pour l’Europe
Ce « Golden Visa » est attribué pour une période initiale de deux ans, puis par périodes de cinq ans renouvelables tant que l’investissement est maintenu. Il permet à l’acquéreur et à sa famille de résider en Espagne, de se déplacer librement à travers l’espace Schengen et de travailler sur le territoire espagnol — octroyé automatiquement avec le permis de résidence. Après cinq ans de résidence ininterrompue en Espagne, il est possible d’obtenir un statut de résident permanent, et même la nationalité espagnole sous réserve de remplir certaines conditions.
Des « experts en dossiers d’immigration », souvent espagnols, proposent même d’aider les ressortissants marocains à empocher un titre de séjour espagnol, et donc Européen. Les démarches se font via WhatsApp, e-mail ou téléphone ; puis sont finalisées lors d’un entretien dans le pays de résidence du client, du Maroc au Koweït en passant par l’Iraq. Et, bien sûr, une promesse de « réussite proche de 100% ».
Alarmée par le phénomène depuis 2017, l’Office des changes redoute que cette pratique facilite le blanchiment d’argent, la corruption et présente des risques pour la sécurité. La loi au Maroc est claire pour ce qui est du transfert de fonds à l’étranger : il faut justifier toute sortie d’argent auprès de l’Office des changes, même pour les particuliers. Les Marocains intéressés par un passeport ou un permis de séjour tarifé prennent le risque de se mettre en infraction fiscale, car transférer de telles sommes vers l’Europe est strictement interdit par l’Office des changes.