Le harcèlement sexuel est « pratiqué » et « très répandu » au sein de l’Union africaine (UA). C’est l’une des conclusions accablantes d’un rapport réalisé par le comité chargé d’une enquête interne à l’UA, après des accusations parvenues par lettre anonyme à le président de sa Commission, Moussa Faki Mahamat. « Les éléments de preuve présentés laissent penser que cette forme de harcèlement est pratiquée par des responsables à l’encontre d’employées de sexe féminin placées sous leurs ordres, notamment, mais pas exclusivement, lors de missions à caractère officiel à l’extérieur du lieu de travail », indique un communiqué de l’institution, qui regrette aussi l’absence d’une politique de lutte contre ces agissements.
The High-Level Commitee I established in May to investigate allegations of #harassment against women at the AUC, has submitted it's findings and recommendations. I will meet staff tomorrow to discuss their important findings and the actions I will take. https://t.co/eJloMOPhuS
— Moussa Faki Mahamat (@AUC_MoussaFaki) November 22, 2018
Les auteurs de harcèlement sexuel profitent de leurs positions hiérarchiques afin d’exploiter « les employés à contrat déterminé, les bénévoles et les stagiaires », en faisant aux jeunes femmes « des promesses crédibles de contrats », ajoute l’UA.
« Là où le bât blesse »
L’enquête, dont les résultats ont été rendus publics le 23 novembre dernier par l’UA, a été diligentée par la Sénégalaise Bineta Diop, envoyée spéciale de l’institution sur les questions de femmes, paix et sécurité en Afrique. Selon les témoignages récoltés par son équipe, les femmes travaillant au sein de l’UA subissent, au-delà du harcèlement sexuel, des discriminations professionnelles. « Ce n’est pas seulement des cas de harcèlement sexuel. Il y a l’intimidation, le fait de la promotion des hommes. Dans certains départements, vous ne trouvez pas de femmes au niveau du dessus. Et pourtant l’Union africaine a la parité, au plus haut niveau, cinq commissaires femmes sur dix. Donc vous voyez très bien qu’il y a des politiques, mais l’application pour que ça aille à tous les niveaux, c’est là où le bât blesse », a-t-elle déclarée au micro de RFI Afrique.
Que faire alors pour y remédier ? Selon Bineta Diop, « il faut (d’abord) changer les comportements. C’est un travail à long terme ». Ensuite, il faudrait instaurer « une personne indépendante à qui on peut faire confiance pour trouver les solutions et punir quand il faut, parce que quand cela arrive, il n’y a pas de punition. A quoi bon faire des rapports si nous savons qu’il n’y aura pas de solutions », fustige l’envoyée spéciale de l’UA.
Pour l’instant, l’UA a fait part de sa volonté de « renforcer sa politique de tolérance zéro » et d’instituer une « politique globale de lutte contre le harcèlement sexuel qui protège les victimes et punisse sévèrement les auteurs ». Aucun calendrier précis pour sa mise en place n’a été toutefois communiqué par l’institution, relève l’AFP. Selon l’agence de presse française, le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, devrait prochainement mettre en place un autre comité, chargé d’enquêter sur 44 cas de harcèlement sexuel présumé.
Outre le harcèlement sexuel et la discrimination, le comité chargé de l’enquête s’est également intéressé des accusations d’abus de pouvoir, de corruption, d’intimidations et de mauvaises conduites, de fraudes et de non-respect de la loi.