La langue amazighe compte franchir un nouveau cap, celui d’intégrer de manière « effective » le domaine du numérique. Initiée par le Centre des études informatiques et des systèmes d’information et de communication (CEISIC) relevant de l’IRCAM, la 8ème édition du TICAM a pour ambition de « dynamiser la recherche en matière de traitement automatique des langues et d’apprentissage médiatisé par la technologie au Maroc ».
« Ce projet a commencé à partir de 2003 avec la décision d’intégrer l’enseignement de l’Amazighe dans l’Education nationale. Il fallait pour ce faire doter cette langue d’une graphie, et finalement, le Conseil d’administration a opté pour la graphie tifinaghe laquelle était avalisée par le chef de l’Etat. Ce que nous souhaitons aujourd’hui, c’est de passer à la numérisation de l’amazighe à l’aide de l’intelligence artificielle », nous déclare le président de l’IRCAM, Ahmed Boukous. D’où ce rassemblement de chercheurs aussi bien du Maroc que de l’étranger, pour réfléchir sur les moyens de faire aboutir ce projet, « impératif pour le développement de la langue et de la culture amazighes », ajoute-t-il.
Devant un parterre de chercheurs animant des ateliers et tables rondes portant sur diverses thématiques dont le digital learning, la reconnaissance optique des caractères, le traitement de texte numérique, le traitement de la parole ainsi que l’apprentissage et l’enseignement numérique, Ahmed Boukous appuie sur l’utilisation du numériques pour communiquer en amazighe à une échelle globale. Et de citer l’anglais comme exemple : « L’anglais est arrivée à s’imposer à l’échelle internationale du fait qu’elle a été la première langue à pouvoir bénéficier des nouvelles technologies », déclare-t-il à la MAP.
Concrètement, le recteur de l’IRCAM nous rappelle que jusqu’alors, « l’IRCAM a contribué avec une société de la place à l’intégration de l’amazighe de telle sorte que les messages usuels puissent être envoyés en amazighe ». Il ajoute : « Plus important encore : nous avons travaillé avec Microsoft Maroc et pu introduire la graphie tifinaghe et la langue amazighe sous Windows 8 ».
Quid des entraves
Mais malgré les efforts déployés par l’IRCAM pour asseoir la place de l’amazighe dans l’ère du numérique, Ahmed Boukous observe des entraves. « Beaucoup de choses ont été réalisées mais on est loin du compte dans le sens où la graphie reste encore assez peu développée, notamment dans le domaine de la création littéraire et artistique. Déjà à ce niveau-là, il y a des choses à faire », nous affirme-t-il. « Autre facteur explicatif, c’est le faible taux d’analphabétisme qui sévit en milieu rural, aussi bien en amazighe qu’en arabe. Ce n’est qu’une fois ce taux revu à la hausse que l’on pourrait parler de l’intégration effective de l’amazighe dans la sphère du numérique », explique-t-il.
Quant à la création d’établissements pour l’enseignement de l’amazighe, notre interlocuteur évoque « la contrainte juridique ». « La loi qui organise l’IRCAM ne prévoit pas que l’Institut puisse créer ce genre d’établissement. On a certes évoqué le sujet mais il faudra pour ce faire, changer le Dahir de l’IRCAM », fait-il savoir.
Enfin, Ahmed Boukous pointe du doigt « les blocages culturels, psychologiques et idéologiques ». « C’est quelque chose dont nous avons hérité ; il y a eu des décennies d’exclusion de la langue et de la culture amazighes qui ont toujours été présentées comme du folklore ou quelque chose de potentiellement dangereux pour l’unité nationale. Ceci est dur à extirper de la conscience des gens », remarque-t-il.