Un peu plus d’un après un discours royal appelant à la participation des partis politiques pour l’élaboration d’un nouveau modèle de développement, l’Istiqlal a fini par rendre sa copie. Dans sa « vision »publiée sur le site de l’Alliance des économistes istiqlaliens, la formation à la balance décline six « ruptures » devant permettre d’accélérer la croissance. Il s’agit là de la première proposition concrète émanant d’un parti politique.
Mettre fin à la « hogra »
La première « rupture » suggérée par le parti piloté par Nizar Baraka consiste à «passer d’une société basée sur l’intermédiation, les avantages et les formes de privilèges, à une société de droit garantissant l’équité ». Si le modèle de développement actuel a atteint « ses limites » cela s’explique, selon la formation à la balance, par une « crise de confiance liée […]à la domination des normes informelles sur les lois [et] à la nécessité de recourir à des passe-droits pour accéder à ses propres droits ».
Une situation que le parti de la balance impute notamment au « développement des inégalités et particulièrement l’enrichissement massif et publiquement exposé des catégories les plus aisées » ainsi que « la multiplication des affaires liées à la mauvaise gestion des deniers publics » ou encore « la connivence entre la réglementation et les intérêts des grandes fortunes ».
Pour y remédier, l’Istiqlal appelle à garantir la « primauté de la loi » à travers l’élaboration de textes correspondant à la « réalité sociale » et appliqués dans les plus bref délais en vue d’éviter les « effets d’annonce sans lendemain ». Les faiseurs de loi devront, en vertu de la rupture prônée par l’Istiqlal, élaborer des lois « plus souples, plus fluides et moins restrictives, accordant davantage de confiance au citoyen et aux opérateurs » afin de permettre l’initiative et l’innovation.
La formation à la balance suggère également de réduire les étapes permettant l’accès aux services publics en vue réduire les opportunités favorisant le clientélisme et la corruption. L’Istiqlal prône également une réduction du pouvoir discrétionnaire des administrations au sein desquelles la notion de « service de l’usager » devra être ancrée en vue de mettre fin au sentiment de hogra, un sentiment utilisé « pour alimenter la radicalisation et les protestations » selon le parti.
Consulter pour anticiper
La deuxième rupture suggérée par l’Istiqlal est directement liée aux Hirak d’Al Hoceima, de Jerada et aux manifestations de Zagora. Dans cette recommandation consacrée à la gestion de crise, l’Istiqlal suggère d’adopter une « approche basée sur l’anticipation et à la vision stratégique de long-terme ».
Une approche dont la mise en place par « l’appropriation du projet sociétal commun dont la source première devra être la volonté et l’adhésion des citoyennes et des citoyens », « l’introduction d’une nouvelle culture en matière de programmation et d’exécution basée sur la mise en place des mécanismes nécessaires pour l’écoute, la prise en charge précoce et la gestion de crise » .
L’Istiqlal suggère également l’intégration d’une « culture de service au citoyen avec une évaluation précise de l’impact effectif des politiques sur la vie quotidienne de la population ».
Cibler les politiques publiques
Alors que « la dynamique de développent de notre pays n’a pas été en mesure de réduire les inégalités sociales et territoriales durant les 20 dernières années », le parti à la balance recommande le passage « au ciblage des politiques publiques sur les ménages et les territoires » pour éviter « l’éparpillement des efforts et de l’usage des ressources ».
Dans ce sens l’Istiqlal suggère « soutenir une dynamique de développement équilibrée sur l’ensemble du territoire nation » en poursuivant la dynamique actuellement impulsée dans le littoral Atlantique nord et dans le Sud du pays tout en élaborant « une stratégie intégrée pour le développement des zones de montagnes et du corridor frontalier ».
Le parti conseille également d’orienter les politiques sociales vers les ménages afin de « contribuer à leur propre mobilité sociale et à celle de leur enfants ». Il suggère également la mise en place d’un ciblage précis à travers la création « du registre unique et l’évaluation régulière de l’impact des politiques publiques sur la vie quotidienne des ménages ».
Plus d’interaction
Dans sa vision du modèle de développement, le parti de l’Istiqlal dénonce la « gestion sectorielle en silo (renforcement de la spécialisation, ndlr)» qui a, selon lui, entrainé un « déficit de coordination et d’articulation » impactant le développement du tissu productif national.
A titre d’exemple, le parti cite l’exploitation de minerais que le Maroc exporte en vue de leur raffinement avant de les réimporter sous forme de produits finis. La formation suggère notamment de mettre à contribution les industries déjà établies dans les zones où ces ressources naturelles sont extraites en vue de les valoriser.
Pour y remédier, le parti recommande d’ «établir et éclaircir les prérogatives et les modes d’interaction et de coordination des différents intervenants, en appréhender les liens de causalité et notamment leur influence en termes de blocage ou de déperdition d’efforts » Pour l’Istiqlal il s’agit également de développer « le potentiel de valorisation des ressources naturelles et des territoires du pays ainsi que le développement d’une infrastructure matérielle et immatérielle d’appui à l’accès aux marchés internationaux pour les produits nationaux »
Exploiter les infrastructures
En guise de cinquième rupture, l’Istiqlal prône le passage « d’un modèle d’édification des infrastructures à un modèle visant à renforcer les capacités humaines et celles des entreprises et des organisations pour accompagner la nouvelle dynamique de développement ». Si la formation souligne la capacité du Maroc à créer des infrastructures, elle pointe néanmoins que ces valorisations sont généralement le fruit « d’investisseurs étrangers à l’instar de l’industrie automobile à l’exception notable de l’OCP et d’une poignée d’autres investisseurs nationaux ».
Pour l’Istiqlal, les investissements dans ce domaine doivent essentiellement se concentrer sur l’exploitation des infrastructures plutôt que sur leur construction.
Une recommandation dont la concrétisation passe par l’élaboration d’une stratégie nationale de renforcement du capital humain se focalisant « sur les valeurs de citoyenneté, du mérite, du travail, du respect des normes et des engagements, du savoir-être, du savoir-apprendre et du savoir-communiquer ».
Le parti suggère également de « consacrer une part de plus en plus importante de l’investissement public à l’accompagnement effectif du renforcement de l’appareil productif et des entreprises à travers notamment le renforcement de l’appui à l’investissement, au recrutement, à la formation des compétences, à l’innovation et à a conquête de marché ». La formation dirigée par Nizar Baraka conseille également un assainissement du foncier et à la mise en place d’une offre locative pour les industries.
Mettre fin au gaspillage
La sixième rupture voulue par l’Istiqlal a trait à la consommation des ressources. Pour le parti de la balance, l’ « approche actuelle de développement se traduit par une consommation abusive des ressources rares dans notre pays notamment en ce qui concerne l’eau, l’énergie et les financements ».
Pour pallier à cette situation, le parti suggère la création d’une « stratégie intégrée de développement par le climat » qui s’appuierait sur les opportunités offertes par la finance climatique qui permettrait au Maroc d’atteindre ses objectifs dans ce domaine et favoriserait l’essor « des secteurs de l’économie verte et bleue ».
La formation dirigée par Nizar Baraka recommande également la mise en place d’une « stratégie intégrée d’efficacité hydrique intégrant des objectifs précis en matière de durabilité, de distribution équitable et de valorisation responsable de la ressource hydrique ». Celle-ci pourrait être appuyée par « la valorisation des bassins versants et des eaux usées et l’adoption d’un juste prix de la ressource hydrique ».
Dans le domaine de l’énergie, le modèle prôné par l’Istiqlal suggère une accélération de l’exécution de la stratégie énergétique ainsi que la mise en œuvre effective de la stratégie nationale d’efficacité énergétique. En ce qui concerne les ressources financières, le parti de la balance conseille « la mise en place des mécanismes efficients pour améliorer le pouvoir d’achat des citoyens et notamment des classes moyennes, prévenir le surendettement et soutenir les ménages en situation de surendettement »