Les différents établissements hospitaliers publics du Royaume sont touchés le 19 novembre par une paralysie qui n’épargnent que les services de réanimation et d’urgences. Et pour cause. Les médecins du secteur public observent une grève de 72 heures, les 19, 22 et 23 novembre. «Cela fait 20 ans que les médecins militent pour améliorer leurs conditions de travail et assurer, par ce même fait, une meilleure prise en charge du citoyen marocain. Et cela fait 20 ans que le feedback du gouvernement est négatif, » explique El Mountadar Alaoui, secrétaire général national du syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP).
Ce mouvement de contestation se poursuit en dépit d’un accord conclu le 26 octobre 2018 entre le ministère de la Santé et le syndicat des médecins du secteur public. « Suite à la réunion du vendredi 26 octobre 2018, les deux parties prenantes ont signé un procès verbal reconnaissant la légitimité des revendications du corps médical. Or, jusqu’à présent aucune suite n’a été donnée à nos revendications par le Chef du gouvernement et le ministère de l’Économie et des Finances », poursuit notre source.
L’amélioration des conditions du travail en ligne de mire
En ce qui concerne les revendications, les médecins s’accordent sur une première priorité : améliorer les conditions scientifiques du travail, ainsi que les conditions d’accueil des citoyens. «Le citoyen doit être accueilli dans les meilleures conditions et bien pris en charge conformément à la Constitution qui a appelé dans son article 31 à la mobilisation de tous les moyens à la disposition des établissements publics pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux soins de santé», souligne le SG du SIMSP. Avant d’ajouter: «les conditions de travail des médecins au niveau du secteur public sont catastrophiques. Le manque du minimum requis en matière d’équipements, les infrastructures en ruine, l’absence de sécurité et de structures d’accueil des patient… Tout cela nuit à la qualité de la prise en charge des citoyens marocains ».
Sur le plan financier, les médecins revendiquent l’addition de deux grades après le hors-échelle et réclament une augmentation des salaires et des primes, essentiellement à travers l’équivalence du doctorat en médecine avec le doctorat d’État. « Cette équivalence permettrait aux médecins d’avoir des salaires selon l’indice 509, au lieu de l’indice 336 », explique notre source. En fait, le médecin généraliste, tout en ayant un bac + 8, se voit attribuer l’indice 336 de la même manière qu’un détendeur de master (bac + 5). En cas d’attribution de l’indice 509, le salaire mensuel net d’un médecin généraliste passerait de 8.609 dirhams à 12.300 dirhams, soit plus de 3600 dirhams nets de différence.
Enfin, le syndicat le plus représentatif du secteur déplore le mutisme de l’Exécutif qui, selon El Mountadar Alaoui, « devrait prêter une attention particulière aux revendications des médecins du secteur public, étant les acteurs clés du système national de santé, et transformer les promesses en actions concrètes».
Escalade en perspective
Face au mutisme de la tutelle, le syndicat a eu recours à d’autres formes de protestations, parfois symboliques, à l’image de la journée de deuil qui sera organisée le 28 novembre prochain, durant laquelle les médecins du secteur public seront tous vêtus d’une tenue noire, ou encore la présentation des démissions collectives dans plusieurs régions du pays. Mais aussi d’autres, plus concrètes, comme le boycott des prestations administratives (les rapports périodiques, les statistiques exceptées les maladies à déclaration obligatoire, les attestations exceptées celles de naissance ou de décès, ainsi que les réunions et les formations), et le boycott des campagnes de visites médicales en milieu scolaire, les caravanes médicales, ainsi que les autopsies.
Selon le Secrétaire général du SIMSP, le premier jour de la grève a connu un taux national moyen de réussite de 79%. «Plusieurs structures hospitalières ont marqué un taux de réussite de 100%, ceci dit, les médecins marocains sont conscients de la légitimité de notre dossier revendicatif et prêts à le défendre suivant différentes formes de revendications jusqu’à dégager un accord pour préserver la dignité du médecin et celle du citoyen ».
Les différents responsables du ministère de la Santé contactés par TelQuel n’ont pas répondu, pour l’heure, à nos sollicitations.