Cela fait huit mois que les patients atteints d’une maladie cardio-vasculaire chronique commandent de l’étranger un médicament vital qu’ils doivent prendre à vie, et ce, à cause d’une rupture de stock au niveau des pharmacies marocaines», explique Mounir Tadlaoui, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats des pharmacies du Maroc (FNSPM).
La rupture de stock des médicaments devient un phénomène de plus en plus fréquent au Maroc. Selon Mounir Tadlaoui, « ce problème existe depuis toujours et ne concerne pas une maladie précise ou une spécialité particulière. Cependant, nous avons remarqué ces derniers temps une exacerbation de ce phénomène, sans pour autant pouvoir le circonscrire ou comprendre ses véritables causes ».
Afin de mieux appréhender cette problématique, il convient de le distinguer d’une simple rupture d’approvisionnement qui est souvent liée aux circuits de distribution entre le laboratoire et l’officine. La rupture de stock, par contre, est liée à un problème au niveau de la fabrication du médicament lorsque l’industriel est dans l’incapacité de produire le traitement, ou au niveau de son importation des laboratoires étrangers.
Ainsi, tous les types de médicaments peuvent être en rupture de stock. Il importe donc d’anticiper ce problème et de savoir le gérer afin de préserver la santé des citoyens. « Il faut toujours prévoir une rupture de stock, surtout quand il s’agit de médicaments vitaux dont l’approvisionnement doit être durable et la distribution ininterrompue. Au niveau de la délégation de Hay Hassani, par exemple, certains médicaments peuvent ne pas être disponibles à cause d’une rupture temporaire ou permanente. Dans le premier cas, nous essayons de nous approvisionner, notamment auprès de la pharmacie centrale, ou de chercher des équivalents. Dans le deuxième cas, les médecins sont contraints de soumettre une ordonnance aux patients », explique Abdel-Illah El Kasri, délégué du ministère de la Santé à Hay Hassani (Casablanca).
La mondialisation mise en cause
Contacté par TelQuel, Jamal Taoufik, directeur de la direction des médicaments et de la pharmacie au ministère de la Santé avance certaines causes liées à ce phénomène « mondial ». Pour lui, « le marché pharmaceutique est en train de se mondialiser. Les grands laboratoires qui produisaient des molécules les plus importantes sont en train de délocaliser leurs productions, et vendre leurs molécules à des laboratoires moins importants, menant à un phénomène d’éparpillement ». Et d’ajouter : « Une usine unique s’occupe de la fabrication d’une molécule particulière. Il suffit donc d’avoir un petit incident technique pour bloquer la production et, par le même fait, la distribution sur le marché international ».
Selon la même source, « plusieurs produits sont maintenus à des prix artificiellement bas. Des produits sont même comptabilisés à 10% de leur prix de vente. De ce fait, les laboratoires se démettent de plus en plus du marché marocain et refusent, en dépit de la pression du ministère de la Santé, de les intégrer au marché ».
Mieux vaut prévenir que guérir
Pour pallier la rupture ou le manque de certains médicaments, le ministère a entrepris plusieurs mesures visant essentiellement l’anticipation du problème et à la recherche d’alternatives. « Au niveau de la direction des médicaments et de la pharmacie, nous disposons d’un observatoire dont la mission est de surveiller le marché ainsi que les ruptures de stock. Cet observatoire demande aux différents laboratoires de déclarer son état de stock mensuel afin de faire le suivi. En cas d’alerte, nous essayons d’anticiper et de limiter les problèmes surtout quand ça concerne les médicaments vitaux », explique notre source.
Et d’ajouter : « Parfois nous sommes confrontés à des problèmes de conjoncture internationale dus à l’évolution de l’industrie pharmaceutique et à sa mondialisation. Dans ces cas de figure, nous essayons de trouver des substituts ou des ‘génériques’ du médicament en question ».
La rupture de stock des médicaments au Maroc est pour le moment « gérable », puisqu’elle ne concerne qu’une infirme partie des « 7/002 médicaments recensés par la Direction des médicaments et de pharmacie ». Néanmoins, le renforcement des mesures d’anticipation en cas de ruptures et le développement de la politique pharmaceutique nationale permettraient de réduire ces pénuries susceptibles de nuire à la santé des Marocains.