Les fautes de gestion des administrateurs de la Samir

Le rapport du liquidateur de la Samir accuse les administrateurs de la raffinerie de fautes de gestion. Si ces fautes sont confirmées, la liquidation pourrait s’étendre à leurs biens personnels. Le tribunal de commerce de Casablanca rendra son jugement sur cette affaire le 5 novembre.

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Cheikh Al Amoudi (à gauche) et Jamal Ba-Amer (à droite)

La liquidation de la Samir sera-t-elle étendue aux biens personnels des dirigeants ? Le 5 novembre, le tribunal de commerce de Casablanca devra statuer sur la responsabilité des administrateurs dans la faillite du raffineur marocain. Si ces administrateurs sont condamnés pour fautes de gestion, comme le réclame le liquidateur judiciaire Abdelkbir Safadi, l’article 704 du Code de commerce peut s’appliquer.

Cet article prévoit que « lorsque la procédure concernant une société commerciale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous ses dirigeants ou seulement certains d’entre eux. »

Engagement d’investissement non respecté

Selon le rapport du liquidateur présenté au tribunal, dont L’Économiste a obtenu une copie et qui révèle les principales conclusions dans son édition du 1er novembre, plusieurs erreurs de gestion ont été commises par le PDG Mohamed Hussein Al Amoudi, le directeur général Jamal Mohamed Ba-Amer, ainsi que les autres membres du conseil d’administration.

L’Économiste rappelle ainsi qu’une convention d’investissement a été signée en 2004 entre le gouvernement et la Samir pour la construction d’une unité d’hydrocracking, afin de convertir le pétrole brut en essence, kérosène, carburéacteur ou diesel. D’un montant de 6 milliards de dirhams, la construction devait être confiée au consortium Tekfen-Snamprogetti. Le DG en décidera autrement. « C’est sur proposition du directeur général, Jamal Ba-Amer, qu’il a été décidé de leur retirer le projet. La Samir devait le réaliser à la place des deux entreprises, » relève le rapport du liquidateur. La Samir va ainsi dépenser le double de ce montant pour son unité d’hydrocracking, soit plus de 12 milliards de dirhams.

Alors que la convention stipulait que l’investissement devait se faire à 53 % en autofinancement et à 47 % par crédit bancaire, la Samir a contracté un prêt bancaire de 3,5 milliards de dirhams. Mais le raffineur ne tiendra pas sa promesse pour la partie de l’investissement autofinancé. « Pour les 3,9 milliards de dirhams d’autofinancement, il a eu recours aux crédits à court terme et aux crédits d’exploitation, » note le rapport cité par L’Économiste.

Dividendes distribués malgré les difficultés financières

Autre faute de gestion pointée par le liquidateur : le fait que la Samir ait continué à faire remonter des dividendes alors qu’elle se trouvait déjà en difficultés. « Malgré les difficultés financières dues à son endettement, le conseil d’administration décide de distribuer un peu plus de 82 millions de dirhams au titre des profits de 2012, » note ainsi le rapport. Les banques créancières de la Samir, et principalement la BCP vont d’ailleurs s’opposer à cette décision du conseil d’administration, en vertu de la convention de crédit qui interdit toute distribution de dividendes avant le remboursement des dettes.

Cheikh Al Amoudi ne renonce pas pour autant à ses dividendes. Le conseil d’administration opte alors, en 2013, pour un « remboursement anticipé de 1,6 milliard de dirhams. » Un remboursement permis grâce au même subterfuge que pour l’investissement dans l’unité d’hydrocracking : financer le long terme par du court terme. Le raffineur contracte ainsi un prêt à court terme de 200 millions de dollars auprès de la Standard Chartered Bank pour rembourser ses dettes auprès des banques nationales. Le remboursement de la dette permet à la Samir de distribuer à nouveau, en 2013, pas moins de 94 millions de dirhams de dividendes.

Cession douteuse de la filiale hôtelière de la Samir

Le liquidateur judiciaire s’est également penché sur la cession en 2006 de la Société hôtelière Samir. Cette société, qui détenait l’Amphitrite Beach Hotel Mohammedia, a été vendue à Corral Hotel Resort Compagnie, une entreprise appartenant à Mohamed Hussein El Amoudi, lui-même propriétaire de la Samir. Le montant de la vente, 66 millions de dirhams n’a jamais été réglé selon le rapport.

Enfin, dernier grief du liquidateur contre les administrateurs de la Samir : leur manque de précaution face à la fluctuation des cours du pétrole. Les accusés n’ont ainsi contracté aucune couverture sur leur stock stratégique au moment de l’effondrement des cours en 2008 puis en 2014.

En 2008, le défaut de couverture face à la chute du prix du baril a occasionné une perte de l’ordre de 1,2 milliard de dirhams. Six ans plus tard, l’entreprise ne capitalise pas sur ses erreurs et accuse de nouveau 3,4 milliards de dirhams de pertes en 2014. « Le recours à une assurance à hauteur de 25% a été pris tardivement, » d’après le rapport du raffineur cité par L’Économiste. La décision a en effet été prise le 4 décembre 2014, « soit 27 jours à peine avant la clôture de l’exercice », poursuit L’Économiste.

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