Nostalgique de la dictature, homophobe, raciste, partisan du port d’arme, anti-écologiste, misogyne…». A la lecture des adjectifs utilisés par la presse mondiale pour qualifier Jair Bolsonaro, fraîchement élu président du Brésil, on se croirait devant la biographie du caricatural Eric Cartman, emblématique personnage de la série South Park.
Mais la réalité dépasse désormais la fiction. Le cinquième plus grand pays du monde vient d’élire un homme aux idées d’extrême droite assumées. Un vote-transgression dans un pays rongé par la corruption de ses élites, avec un ancien président condamné à 12 ans de prison pour malversations.
Le résultat aussi d’une grave récession dont le pays est tout juste sorti en 2017. Résultat : l’opinion publique pense à 95% que le pays «va dans le mauvais sens» (sondage Ipsos). De quoi être tenté par la thérapie de choc, matérialisée par les idées d’extrême droite de Bolsonaro, aux antipodes de ses prédécesseurs gauchistes qu’il abhorre.
Tous contre «l’activisme écologiste chiite»
Jair Bolsonaro a-t-il rejoint l’axe politique sunnite du Moyen-Orient? Dans sa bouche, «chiite» ne fait pas référence à la branche de l’islam éponyme, mais… au radicalisme. «L’activisme écologiste chiite» qu’il dénonce affaiblit selon lui l’économie de son pays, sous couvert de la protection des populations indigènes de l’Amazonie. Bolsonaro à un tout autre programme pour les Indiens et leurs réserves, rempart contre la déforestation. Il veut abattre les arbres pour construire des centrales hydroélectriques. En ressortant des cartons ces projets, il risque de raviver les tensions avec les populations amérindiennes.
Egal à lui-même, il affiche une volonté d’aller vite, notamment en rattachant le ministère de l’Écologie à l’Agriculture. «Vous voulez détruire un arbre déjà mort et ça vous prend dix ans pour obtenir l’autorisation?», a-t-il notamment martelé. Et ce n’est pas tout : il veut également se retirer de l’Accord de Paris sur la limitation des gaz à effet de serre et développer des centrales nucléaires. De quoi sérieusement inquiéter les écologistes et faire le bonheur des industriels, notamment ceux de l’agrobusiness.
«Donner l’accès au port d’arme aux gens bien»
Sa pause de pistolero n’est pas qu’un gimmick destiné à installer une signature. Ce soldat réserviste est un fervent partisan du port d’arme pour lutter contre l’insécurité. A sa décharge (sans mauvais jeu de mots), un pays classé désormais dans la short-list des dix pays les plus violents au monde.
Selon le Forum brésilien de la sécurité publique, cité par RFI, on compte en moyenne 31 homicides pour 100.000 habitants, soit plus de sept homicides par heure au Brésil. Un ratio bien plus élevé que ceux combinés des Etats-Unis et de l’Europe. Ainsi, 30% de la population de Rio s’est retrouvée au milieu d’un échange de tirs en 2017, d’après Vice.
Bolsonaro a cherché à séduire les populations des zones rurales, en proie au banditisme. Il leur a promis un assouplissement de la loi régissant les armes à feu. Il espère modifier la loi sur les effractions pour les considérer comme des crimes terroristes. Dans les villes, il veut mobiliser l’armée pour éradiquer les violences urbaines.
Trop «laide» pour être violée
Durant ses 27 années de carrière politique, Jair Bolsonaro s’est illustré à de multiples reprises par ses sorties de routes et ses déclarations à l’emporte-pièce. Mais il y en a une qui est restée dans les annales. En 2003, il s’attaque à la parlementaire de gauche Maria do Rosário, estimant qu’elle «ne mérite pas qu’il la viole», car elle est «très laide». Loin de faire amende honorable, il réitère à ses insultes en 2014 à l’adresse de cette même politicienne: «j’ai dit que je ne vous violerais pas, car vous ne le méritez pas».
Une misogynie assumée, même envers sa propre famille. Il déclare ainsi en avril 2017: «j’ai cinq enfants, quatre d’entre eux sont des hommes, mais pour le cinquième, j’ai eu une faiblesse et ce fut une femme».
Il s’affiche aussi ouvertement et résolument anti-gay, notamment en déclarant à Playboy en 2011 qu’il préfèrerait que son fils «meure dans un accident» plutôt que de le savoir homosexuel. Quelques années plus tôt, il avait annoncé la couleur en déclarant que s’il voyait deux hommes s’embrasser dans la rue, il les «frapperait».
En 2016, il dérape à nouveau lors d’une interview avec l’actrice Ellen Page, qui lui adresse cette question : «j’ai lu une de vos citations appelant les parents à battre leur enfant gay. Je suis gay, aurais-je dû être battue quand j’étais enfant à votre avis?». Bolsonaro, se défendant d’être homophobe, lui rétorque, avec le sourire : «Vous êtes belle. Si j’étais un cadet de l’armée, je vous aurais sifflée dans la rue».
Les réfugiés, la «racaille» du monde
En septembre 2015, il déclare à l’attention des réfugiés, notamment ceux arrivant de Syrie: «la racaille du monde arrive au Brésil. Comme si nous n’avions pas suffisamment de problèmes».
«Je suis en faveur de la torture»
Jair Bolsonaro se veut ferme, quitte à en faire trop et à afficher une certaine nostalgie de la dictature militaire. Ce discours transgressif tranche avec le politiquement correct, mais effraie les militants qui ont eu affaire aux affres de la torture. Bolsonaro se dit en «faveur de la torture», notamment face aux criminels.
«Les prisons du Brésil sont des endroits formidables. C’est un endroit où les gens paient leurs pêchés, pas un Spa. Ceux qui violent, kidnappent et tuent vont souffrir et non pas passer du temps dans un camp de vacances».
Ses enfants sont trop «bien éduqués» pour sortir avec des Noirs
«Je ne prends pas le risque [de voir mes enfants sortir avec une black ou devenir gay]. Mes enfants sont très bien éduqués ». Après une visite d’un quilombo (une communauté organisée d’anciens esclaves, NDLR), il dira en 2017 : «le plus léger d’entre eux pèse plus de 100 kilos. Ils ne font rien. Je pense qu’ils ne sont même plus bons à la procréation».
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