Du nouveau pour le travail domestique. Un an après la publication d’un décret d’application, listant les travaux pour lesquels il est interdit d’employer les travailleuses et travailleurs domestiques âgés entre 16 et 18 ans, la loi 19-12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleuses et travailleurs domestiques est entrée en vigueur ce 2 octobre.
Si le texte n’éradique pas le travail des mineurs – les adolescents entre 16 et 18 ans pourront toujours être employés en tant que travailleurs domestiques -, il crée néanmoins un cadre légal auquel chaque employeur devra se conformer sous peine d’amendes et de prison. Eclairages sur ces nouvelles dispositions.
Nouvelles appellations
En vertu de l’article 26 de la loi 19-12, on ne peut désormais plus dire « employé de maison » et « maître de maison », mais il faut utiliser les expressions de « travailleuse ou travailleur domestique » ainsi que d’« employeur ». Dans les textes officiels, le terme« gens de maison » est également à proscrire .
Le recrutement
Comme le dispose l’article 4 de cette nouvelle loi, les travailleurs ou travailleuses domestiques pourront être recrutés par l’intermédiaire d’agences de recrutements privées. Si le texte ne précise pas en revanche d’autres moyens de recrutement, il énonce qu’ « il est interdit aux personnes physiques d’exercer, moyennant rémunération, l’activité d’intermédiation en matière de recrutement des travailleuses ou travailleurs domestiques ».
Aussi, tout foyer souhaitant recruter un travailleur domestique âgé entre 16 et 18 ans pourra le faire uniquement dans un délai de cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la loi, comme le prévoit son article 6. Autre nouvelle disposition, tout travailleur domestique mineur devra se soumettre à un examen médical, à la charge de l’employeur, tous les six mois.
A noter que toute personne employant un travailleur domestique âgé de moins de 16 ans peut se voir condamner à une amende allant de 25.000 à 30.000 dirhams (article 23 de la loi 16-19). En cas de récidive l’amende peut être doublée et l’employeur peut être condamner à une peine d’emprisonnement allant d’un à trois mois.
Le contrat de travail
Un contrat de travail, à durée indéterminée ou déterminée, devra être rédigé par l’employeur. Ce contrat doit obligatoirement mentionner les informations de base relatives à l’employeur et à son futur employé (prénom, nom, adresse et numéro de CIN). Si le travailleur domestique ne dispose pas d’une carte nationale, il pourra adjoindre une copie de son livret d’état civil ou de son acte de naissance au contrat.
Le travailleur domestique devra également y préciser sa situation familiale. Si l’employé est mineur, le contrat devra être joint d’une autorisation du tuteur dont la signature doit être légalisée par les autorités compétentes.
Dans le cas d’un contrat à durée indéterminée, la durée de la période d’essai, qui doit être au maximum de 15 jours, devra être mentionnée sur le document. Celui-ci doit également inclure le nombre d’heures travaillées par semaine, qui doit être de 48 heures maximum pour les travailleurs domestiques et de 40 heures pour les employés âgés de 16 à 18 ans. Le contrat doit également prévoir une période de repos hebdomadaire « ne pouvant être inférieur à 24 heures continues« .
Le document doit être produit en trois exemplaires avec des signatures légalisées. L’un est à la disposition de l’employeur, le deuxième à celui du travailleur domestique tandis que le troisième doit être remis à l’inspection du travail compétente.
Un modèle de contrat a été mis à la disposition du citoyen dans le Bulletin officiel publié le 2 octobre 2017.
Les droits
Les travailleurs domestiques ont le droit, comme le prévoit le Code du travail et à l’issue de six mois d’activité, à un congé annuel payé qui ne peut être inférieur à un jour et demi pour chaque mois de travail. Cela signifie donc que sur une période de 12 mois, un travailleur domestique a le droit à 18 jours de congés payés.
En cas d’accord entre l’employé et son employeur, ce congé peut être fractionné ou cumulé sur deux années. L’employé a également le droit au repos pendant les fêtes religieuses et nationales, mais celui-ci peut être reporté après commun accord avec l’employeur.
En vertu de l’article 19 de la loi 19-12, les travailleurs domestiques ont le droit à un salaire qui ne peut être inférieur à 60% du salaire minimum légal, applicable dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des professions libérales.
Le SMIG étant actuellement fixé à 2.568,24 dirhams, le salaire minimum des travailleurs domestiques devrait donc se situer autour de 1.540 dirhams mensuels. Ce salaire ne prend toutefois pas en compte les sommes à verser dans le cadre de la cotisation à la sécurité sociale (voir encadré). Le non-versement du salaire par un employeur peut lui valoir une amende allant de 5.00 à 1.200 dirhams. En cas d’absence non convenue avec l’employeur, l’employé peut se voir retirer le jour de salaire correspondant à cette vacance.
Tout travailleur domestique a le droit de bénéficier des programmes d’éducation et de formation dispensés par l’Etat notamment dans la lutte contre l’analphabétisme ainsi que des programmes de formations professionnelles. Les modalités pour bénéficier de ces programmes sont toutefois soumises à un accord entre l’employé et l’employeur.
Les « devoirs »
La loi 19-12 fixe une liste précise de tâches que les travailleurs domestiques peuvent accomplir. Celle-ci inclut la prise en charge d’enfants, de personnes malades ou handicapées, les tâches ménagères, les travaux de jardinage, la conduite ou encore le gardiennage de maison.
Pour les travailleurs mineurs, un décret fixe la liste des tâches qu’ils ne sont pas autorisés à effectuer. Il s’agit de : l’utilisation de produits de nettoyages chimiques susceptibles de causer des intoxications, du nettoyage d’un chauffe-eau , d’une cheminée ou d’un robinet à vapeur, le nettoyage des façades extérieures d’une maison, le repassage, la dispense de soins, la conduite de véhicules, l’utilisation de pesticides, de tondeuses ou d’objet présentant un danger (comme une scie), les travaux d’entretien d’une piscine ou encore le gardiennage d’une maison. A noter que les employés mineurs ne sont pas autorisés à travailler la nuit.
En cas de litige
En cas de litige entre l’employeur et son employé, un inspecteur du travail doit recevoir les plaintes déposées par le travailleur à l’encontre de l’employeur ou l’inverse concernant l’exécution du contrat de travail. C’est à l’inspecteur du travail qu’il revient de concilier les deux parties. En cas de conciliation, un PV doit sceller l’accord entre elles deux. Dans le cas contraire, un PV devra être dressé et soumis à la juridiction compétente.
Cessation de contrat
Lors de la cessation du contrat de travail, l’employeur est tenu de délivrer au salarié un certificat de travail dans un délai de huit jours suivant la fin du contrat, sous peine de dommages-intérêts.
En cas de licenciement, après une année de travail continu d’un employé, l’employeur doit reverser une indemnité dont le montant varie selon la période travaillée :
- 96 heures de salaire pour la durée de travail effectif accompli durant les cinq premières années.
- 144 heures de salaire pour la durée de travail effectif accompli durant la période allant de six à 10 ans.
- 192 heures de salaire pour la durée de travail effectif accompli durant la période allant de 11 ans 15 ans.
- 240 heures de salaire pour la durée de travail effectif accompli dépassant 15 ans.
Une inconnue nommée protection sociale
« Les dispositions de la présente loi doivent entrer en vigueur à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date de publication au Bulletin officiel des textes nécessaires à sa pleine application ». C’est ce qu’indique l’article 27 de la loi 19-12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleuses et travailleurs domestiques.
Le texte a été accompagné de deux décrets. Le premier porte sur les contrats de travail des travailleurs domestiques, le second sur la liste des travaux pour lesquels il est interdit d’employer un travailleur mineur. Les deux textes ont été publiés au Bulletin officiel le 2 octobre 2017 entérinant ainsi l’entrée en vigueur de loi 19-12 ce 2 octobre 2018.
Un texte manque toutefois à l’appel : le décret relatif à l’affiliation des travailleurs domestiques à la sécurité sociale. « Les conditions pour l’entrée en vigueur du texte sont les deux décrets publiés au Bulletin officiel. Ce décret sur la sécurité sociale n’entrave pas l’application de la loi car il complètera le dahir de 1972 relatif à la sécurité sociale », nous explique Salima Aadmi, directrice de l’Emploi au ministère de l’Emploi.
La responsable précise que « le texte a été préparé et envoyé au secrétariat général du gouvernement». Selon nos informations, la CNSS se prépare déjà à appliquer le régime spécifique aux travailleuses et travailleurs domestiques.
NB: Article initialement publié le 12 septembre et mis à jour le 2 octobre.
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