Pendant trois saisons, les journalistes de la BBC Arabic ont enquêté sur la corruption qui gangrène le football algérien. Le résultat, présenté sous forme d’un film d’animation de 7 minutes 31 secondes, lève le voile sur un système de trucage des matches quasi systématique, que ce soit en première ou en seconde division. Même les catégories de jeunes sont concernées, d’après le média britannique. «C’est vraiment l’enfer dans les petites catégories. Violence, corruption… Il y a tous les fléaux», a confié le président d’un club professionnel interrogé par la BBC.
Le média affirme avoir parlé à des joueurs et ex-joueurs, des présidents de clubs, de hauts responsables de la Fédération algérienne de football, des arbitres, mais aussi à des «intermédiaires» chargés de coordonner les transactions entre «acheteurs« et «vendeurs». Ceux-ci peuvent être des présidents de clubs, des arbitres ou des joueurs. L’identité des corrupteurs et des corrompus n’a toutefois pas été dévoilée, car selon la BBC, dénoncer les coupables mettrait les dénonciateurs en danger.
Un intermédiaire a assuré à la BBC qu’il était «très facile d’arranger un match en Algérie». Selon lui, la «saison de la corruption» débute vers la fin du championnat, «quand les équipes sont sur le point d’être fixées sur leur sort, que ce soit dans la course au titre, ou pour éviter la relégation». Et d’ajouter : «les politiciens veulent protéger leurs populations de la déception, les super-fans veulent voir leur équipe gagner. Ils ont tous les deux les moyens d’y arriver».
Un président de club a avoué à la BBC avoir acheté des points, car il comptait se présenter aux élections législatives à la fin de la saison. «Ce n’est qu’une partie de ma campagne», a-t-il affirmé. «Nous savons qui sont les corrupteurs, mais personne ne fait rien. C’est un problème politique, et lorsque les politiciens interfèrent dans le football, c’est la fin», diagnostique un ancien haut responsable de la Fédération algérienne de football.
La corruption serait tellement généralisée qu’il existerait une grille des tarifs connue de tous les «intermédiaires». Une victoire (3 points) en première division algérienne coûterait 8 millions de dinars, soit un peu plus de 636.000 dirhams. Un pénalty reviendrait lui à 1 million de dinars, l’équivalent de 79.500 dirhams. Cette grille des tarifs fluctue en fonction de la période. Naturellement, les prix augmentent vers la fin de la saison, lors des dernières journées cruciales du championnat. «Ma carrière ne me menait nulle part. Je peinais à subvenir aux besoins de ma famille uniquement avec mon salaire d’arbitre. Aujourd’hui, il me semble qu’être ouvert à la corruption n’est qu’une extension de mon rôle d’arbitre», a témoigné un des hommes en noir.
Contacté par la BBC, le président de la FAF, Kheïreddine Zetchi a assuré que «le nettoyage du football est l’une des priorités de la direction actuelle». Zetchi, qui a été élu en mars de 2017 à la tête de l’administration du football algérien, argue également que «les faits auxquels la BBC fait référence remontent à une époque où le bureau fédéral actuel n’était pas aux commandes». Le média britannique rappelle quant à lui que son enquête a été menée durant les saisons 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018. La BBC a envoyé les éléments qu’elle a pu rassembler à la FIFA, dont un porte-parole a indiqué que «les informations ont été transmises aux départements et organes concernés, conformément à la procédure».
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