France: Le Sénat relève le manque de moyens des lycées français à l'étranger

Si Emmanuel Macron veut doubler le nombre d’élèves accueillis dans les lycées français à l’étranger d'ici à 2030, la Commission des finances du Sénat estime que ces établissements n’ont « pas les moyens » des ambitions présidentielles.

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Le lycée Descartes, à Rabat. Crédit: Facebook

L’objectif du président Emmanuel Macron de doubler le nombre d’élèves dans les lycées français à l’étranger d’ici à 2030, n’est « pas réaliste » estime la Commission des finances du Sénat dans un rapport publié le 29 août.

Le réseau des établissements scolaires d’enseignement français au Maroc est l’un des plus denses au monde. Il scolarisait à la rentrée 2017, un peu plus de 37 000 élèves, dont plus de 60 % sont Marocains, dans quarante établissements couvrant les principales villes du Maroc à tous les niveaux d’enseignement.

Dans son discours sur la Francophonie du 20 mars, Emmanuel Macron a fait des quelque 500 lycées français à l’étranger un des outils principaux du rayonnement de la langue de Molière à l’extérieur des frontières de l’Hexagone. Comment ? En se fixant pour objectif « de doubler le nombre d’élèves accueillis » d’ici à 2025-2030.

Des subventions amputées de 8%

Pourtant, en juillet 2017, les mesures d’austérité décrétées par Emmanuel Macron amputaient de plus de 8% les subventions à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). L’AEFE est un opérateur public qui coordonne ce réseau unique au monde comptant 350.000 élèves, dont deux tiers d’étrangers répartis dans 137 pays.

Cette franche coupe budgétaire, qui a suscité une vague de grèves, notamment au Maroc, se traduira par la suppression d’au moins 340 postes d’enseignants dans tous les pays concernés au cours des deux prochaines années. « Depuis 2012, les crédits publics consacrés à l’AEFE ont baissé de près de 14% », résume la Commission des finances du Sénat dans son rapport intitulé « Le réseau de l’enseignement français à l’étranger a-t-il les moyens de ses ambitions? ».

Le doublement des élèves pour après demain

Une question à laquelle le sénateur socialiste Rémi Féraud, corapporteur du rapport, répond par un franc : « Aujourd’hui, non ». L’objectif fixé par Emmanuel Macron « n’est pas réaliste dans l’état actuel des choses », abonde de son côté le sénateur centriste Vincent Delahaye, autre corapporteur.

Selon l’étude, les charges ont augmenté de 19,5% entre 2012 et 2017. En cause : une hausse du nombre des élèves (+11,4% depuis 2012) et des dépenses de personnel de +15,5% sur cette même période. Les subventions reculant, ce sont les familles qui en ont subi les conséquences : elles supportent aujourd’hui 60% des coûts – les frais de scolarité ayant bondi de près de 25% en cinq ans, a calculé la Commission. « Nous recommandons que cela n’augmente plus, car sinon, c’est toute la légitimité du modèle qui est menacée », souligne Rémi Féraud.

En conséquence, les rapporteurs demandent que les crédits publics soient « sanctuarisés et que cesse le désengagement financier de l’Etat ». A noter que, le gouvernement français a déjà récemment promis à l’AEFE qu’elle retrouverait cette année, et en 2019, son budget antérieur aux coupes.

L’élève français à l’étranger coûte « quatre fois moins qu’en France »

La Commission rappelle également qu’un élève au sein de l’AEFE coûte « quatre fois moins qu’en France ». « Ce n’est pas si cher que cela », souligne Rémi Féraud. Réaliste, le sénateur Vincent Delahaye déclare qu’il n’est « pas envisageable » que le doublement du nombre d’élèves voulu par Emmanuel Macron « se fasse avec un doublement du financement ». Reconnaissant que le rapport n’a pas chiffré les besoins exacts de ce doublement, le sénateur estime qu’il doit au moins être « un peu supérieur ».

Le 20 mars, Emmanuel Macron avait assuré que le réseau de l’enseignement français à l’étranger serait « consolidé et dynamisé », mais aucun chiffrage n’a accompagné l’annonce de l’objectif du doublement. Pour minimiser les coûts, la Commission recommande de « poursuivre la réduction » du nombre des professeurs détachés (de l’Education nationale française) au profit des recrutés locaux, dont la rémunération est moindre.

« On a conscience que ce sera un dossier chaud », a admis Rémi Féraud. Syndicats et associations se sont à plusieurs reprises élevés contre la baisse du nombre de ces professeurs titulaires de l’Education nationale, ceux qui sont, selon eux, les mieux à même d’apporter un enseignement français de qualité à l’extérieur des frontières françaises.

(Avec AFP)

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