Ferid Belhaj : "Le Maroc est une lumière dans un environnement sombre"

A l'issue de sa première visite dans le royaume, le nouveau vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA, Ferid Belhaj, livre ses impressions sur le Maroc d'aujourd'hui et ses perspectives d'avenir. Entretien.

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Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA Crédit: Groupe Banque mondiale

Après avoir enchaîné les rencontres officielles les 27 et 28 août, avec notamment le chef du gouvernement Saâd Eddine El Othmani, le nouveau ministre des Finances, Mohammed Benchaâboun, et le président de la CGEM Salaheddine Mezouar, le vice-président tunisien du Groupe de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), Ferid Belhaj délivre un message d’espoir sur les perspectives économiques et sociales du Maroc.

S’il ne révèle pas les détails du nouveau cadre de partenariat avec le Maroc, qui devrait voir le jour en janvier 2019, il confie que l’enveloppe de la Banque Mondiale pour le Royaume (2 milliards de dollars à fin juillet 2018) devrait être significativement augmentée. TelQuel l’a rencontré le 28 août à l’incubateur la Factory à l’issue de sa rencontre avec de jeunes entrepreneurs.

TelQuel : Le mémorandum économique de la Banque Mondiale publié en mars 2017 dressait un constat inquiétant sur les perspectives de croissance du Maroc et pointait l’urgence de revoir son modèle de développement. A l’issue de ce point presse, vous semblez pourtant très confiant pour l’avenir du Maroc. Avez-vous observé une évolution significative depuis mars 2017 ? 

Ferid Belhaj : Ce sont des points de départ différents. Le mémorandum économique est un travail scientifique, il regarde les chiffres, en tire des conclusions et propose des scenarii. Mais, si on me demande comment je perçois le Maroc aujourd’hui, je réponds qu’en prenant du recul, je le vois non seulement en tant que pays, mais également dans sa région. Je vois le verre à moitié plein, car je perçois le potentiel du pays, toutes les propositions qui sont en train d’être matérialisées, les initiatives prises…

Ces dernières années, il y a eu beaucoup d’efforts mis dans les infrastructures et en faveur de certaines réformes. Tout cela fait que je vois un Maroc qui a du potentiel, mais aussi un Maroc qui a énormément de difficultés, notamment en termes de partage des fruits de la croissance et de cohésion sociale. Le Maroc dont je veux parler, c’est surtout le Maroc des jeunes.

Aujourd’hui, il y a une très large population désœuvrée, qui a un niveau d’éducation moyen ou supérieur et qui ne trouve pas de travail. Une fois les diplômes obtenus, trop de jeunes se trouvent en face d’un mur de non-emploi. C’est ce constat qui est un peu dérangeant : il y a tellement de choses faisables et faites et qui font du Maroc une exception régionale, mais à côté il y a ces retards. Il faut s’atteler à résoudre leurs causes. Et si la Banque Mondiale peut détenir un segment de la solution, c’est véritablement aux Marocains de prendre à bras-le-corps ce problème.

La jeunesse est en effet au centre des préoccupations et des discours des décideurs publics. Pensez-vous que le Maroc ait une vision claire sur la façon d’aider cette jeunesse ?

La vraie question, c’est comment tout ce qui est mis en oeuvre en termes de budget alloué et de discours peut se concrétiser en plus de progrès. La vraie réponse est très complexe et diffuse. D’un côté, il y a des efforts faits au niveau de l’éducation, mais avec des problématiques de qualité, des moyens mis à la disposition des jeunes, d’adéquation entre le marché du travail et les formations. Ensuite, il y a tous les discours concernant la nécessité d’aider les jeunes. Sont-ils là pour réveiller ? Je pense que oui.

Notamment, le discours du roi il y a quelques jours est intéressant, car il est repris par tout le monde. On a l’impression qu’il y a un nouveau ressort. La nécessité de pousser la jeunesse à aller plus loin et les responsables politiques et du secteur privé à y accorder plus d’attention est notamment soulignée, ce qui est une bonne chose. Dans mes conversations sur les deux derniers jours, la priorité est mise sur la table de manière très claire et forte. Maintenant, la question est de savoir comment cela va se concrétiser. Pour ce qui nous concerne, nous sommes là pour faire bouger cet « agenda jeunes » à travers l’éducation et l’ouverture de voies sur les nouvelles technologies et les nouveaux métiers.

Vous avez annoncé une augmentation conséquente de l’enveloppe de la Banque Mondiale pour le Maroc. Comment prend-on cette décision, sur quels critères se base-t-on pour choisir les montants et les secteurs ciblés ? 

Sur les dernières années, je m’aperçois qu’on a fait beaucoup, mais qu’on aurait pu faire beaucoup plus. Je vois aussi l’environnement au Maroc, qui m’apparaît porteur, dans sa volonté d’aller de l’avant, et notamment l’environnement qui tire le secteur privé. Je considère que la Banque Mondiale peut aider plus en mettant plus sur la table, pour un pays qui est en train de bouger. En regardant d’un peu plus loin, je m’aperçois que le Maroc est un bright spot, une lumière dans un environnement malheureusement sombre. Il faut investir là où il y a la capacité de faire une différence. La Banque Mondiale a précisément pour objectif de faire une différence dans un pays comme le Maroc.

L’idée sous-jacente est-elle que le Maroc puisse ensuite être porteur d’une dynamique régionale ?

Quand il y a une réussite quelque part, elle peut servir d’exemple ailleurs. Il est souvent arrivé que d’autres expériences s’exportent au Maroc et réussissent. L’expérience marocaine de réussite pourrait être à son tour répliquée et exportée ailleurs.

A l’issue de votre rencontre avec le nouveau ministre des Finances, Mohammed Benchaâboun, pensez-vous que celui-ci ait les moyens de porter un changement de perspective de croissance économique ?

Etre ministre des Finances est une grande responsabilité, et il arrive à un moment où il y a un besoin de changer son fusil d’épaule et d’avoir des politiques plus volontaristes au niveau du ministère. Je pense que le nouveau ministre des Finances a largement le potentiel de faire avancer les choses, il y a une expérience très forte au niveau de l’administration, du secteur privé et bancaire. Je pense qu’il pourra véritablement pousser les choses, nous avons établi une relation courte, mais très positive hier. Il y a eu convergence de vues. L’avenir dira comment les choses se passent, mais pour le moment, nous sommes extrêmement positifs par rapport à ce dialogue que nous avons forgé avec le ministre et ses équipes.

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