Deux personnes arrêtées pour escroquerie dans l'affaire des Masters à l'Université de Fès

Suite à l'enquête judiciaire ordonnée par le parquet, la DGSN annonce l'arrestation le 23 aout de deux individus pour leur implication présumée dans une affaire d'usurpation d'identité et escroquerie, liée à l'inscription au cycle de master de l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès. Les détails.

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L'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès. Crédit: Université Ben Abdellah / Facebook

Le 23 août, la Brigade régionale de la police judiciaire de Fès a arrêté deux individus, dont un étudiant à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, pour leur implication présumée dans une affaire d’usurpation d’identité et d’escroquerie, indique la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN).

Cette opération fait suite à l’enquête judiciaire ordonnée par le parquet au sujet d’un enregistrement vocal relatif à l’inscription au cycle de Master « droit des contentieux ». Un scandale qui a révélé au grand jour une affaire de corruption dans l’université de la capitale spirituelle. Dans ledit audio, largement partagé sur les réseaux sociaux, on entend un échange sur l’accès et la vente d’un diplôme universitaire pour la somme de 40.000 dirhams.

Selon la DGSN, les enquêtes et investigations menées ont permis d’appréhender l’individu qui prétendait recourir à une intervention frauduleuse dans les opérations d’inscription au cycle du master. Il s’agit d’un étudiant dans la même université, qui jouait le rôle d’intermédiaire pour commettre ces actes criminels. Un proche de ce dernier a également été arrêté.

La même source ajoute que les deux mis en cause ont été placés en garde à vue pour les besoins de l’enquête menée dans cette affaire, tandis que six autres personnes, soupçonnées d’être en lien avec cette affaire, ont été auditionnées avant d’être déférées devant la justice en état de liberté.

Contraire à l’éthique universitaire

L’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès avait annoncé également l’ouverture d’une enquête en coordination avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Dans un communiqué, l’établissement assurait sa détermination à « garantir les conditions de transparence, d’objectivité et d’égalité des chances en matière d’inscription des candidats à toutes ses branches, tout en veillant à l’application des critères du cahier des normes pédagogiques et au respect des dispositions d’accréditation relatifs à chaque formation. »

Le secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Khalid Samadi, avait également annoncé l’ouverture de cette enquête. Dans un communiqué publié sur son compte Facebook, le secrétaire d’Etat PJDiste dénonçait une pratique « contraire à l’éthique universitaire ». Contacté par TelQuel, Khalid Samadi n’a pas donné suite à nos sollicitations.

L’arroseur arrosé ?

Le 21 août, l’ONG de lutte contre la corruption Transparency Maroc annonçait quant à elle la suspension provisoire de son secrétaire général adjoint, Abdallah Harsi, suite à sa proximité dans cette affaire. Celui-ci est en effet professeur et directeur du master incriminé.

Dans un communiqué, l’organisation annonçait sa décision « de suspendre provisoirement, avec son accord, les activités au sein de l’association du professeur qui dirige ce master (qui est SG-adjoint et non secrétaire général de l’association comme cela a été affirmé), jusqu’à l’aboutissement de l’enquête administrative ou de toute autre poursuite disciplinaire ou judiciaire. »

Pour  l’actuel secrétaire général de l’ONG, Ahmed Bernoussi (élu en février 2018, successeur du militant Fouad Abdelmouni), la décision a été pensée pour « permettre au concerné d’être libre de ses actions, en tant que responsable à la tête du master, pour tirer cette affaire au clair en évitant toute interférence avec sa position au sein de Transparency Maroc, et d’autre part, à l’association d’assurer le suivi du développement de ladite affaire et se défendre contre les éventuels risques d’atteinte à son image et sa crédibilité. »

Joint par TelQuel, Ahmed Bernoussi nous explique que « la décision de suspension a été prise avec l’accord du concerné. Ayant une confiance totale en notre ami, nous avons souhaité montré l’exemple, à savoir réagir aux conflits d’intérêt dans des situations pareilles. Suite à nos entretiens, il a accepté d’être suspendu provisoirement, le temps que l’enquête se termine et que les résultats soient connus. »

La révélation de l’affaire du master de Fès ne surprend pas l’organisme de lutte contre la corruption. « Nous avons travaillé dans l’enseignement depuis une vingtaine d’années et nous n’avons pas cessé d’interpeller et alerter les différents responsables à la situation, que ce soit dans le cadre des diplômes, des notes ou de gestion des marchés, » déclare le secrétaire général de Transparency Maroc.

« Nous n’avons pas été surpris du fait qu’il y ait des transactions pour intégrer des Masters, mais plutôt l’incrimination de notre ami et l’éclaboussement de notre organisation dans cette affaire. Nous savons pertinemment qu’il n’y est pour rien ni d’ailleurs l’équipe du Master incriminé, d’après nos sources, » poursuit Ahmed Bernoussi.

Il regrette cependant le retard de la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. « Je pense que cette affaire est une occasion pour que le gouvernement, particulièrement le ministre de tutelle, prenne le taureau par les cornes pour entamer un travail de fond de lutte contre la corruption dans l’enseignement, » espère-t-il.

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