Tunisie : Comment la "Colibe" explique l'égalité dans l'héritage

Pour justifier son appel à instaurer l'égalité entre les sexes dans l'héritage, la Commission des libertés individuelles et de l'égalité a opté pour une interprétation se voulant «progressiste» du coran et des préceptes de l'Islam.

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Manifestations de femmes tunisiennes réclamant l'égalité dans l'héritage au mois de mars 2018 à Tunis. Crédit: AFP

La Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE) a consacré une grande partie de son rapport remis le 1er juin 2018 au président de la République tunisienne, Béji Caïd Essebsi, à la question de l’égalité entre femmes et hommes en matière d’héritage. L’instance, qui a recommandé une réforme de la législation en faveur de la parité successorale, s’est basée sur un argumentaire foncièrement religieux.

Pour les auteurs du rapport, «la question de l’héritage est aujourd’hui dénaturée. D’une problématique purement sociale, elle a été transformée en problématique religieuse. L’héritage est en principe une question sociale, car il s’agit d’abord du mode de distribution de la richesse à l’intérieur de la famille. Il est donc évident que ceci soit lié aux conditions socio-économiques de chaque période de l’Histoire».

La COLIBE estime que «l’Islam a répondu à l’appel de la justice et de l’équité dans le but d’instaurer l’égalité absolue entre hommes et femmes dans leurs droits et leurs obligations», tout en mentionnant trois versets du coran qui «assurent l’existence d’une égalité existentielle et substantielle entre les deux sexes».

Entre autres, le 13e verset de la sourate Al-Hujurat : «Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand-Connaisseur».

La commission en déduit ainsi que l’égalité entre hommes et femmes «est aujourd’hui une application des préceptes du coran, à l’époque où de nouveaux équilibres sociaux ont vu le jour suite à des changements radicaux ayant touché tous les aspects de la vie». Les auteurs du rapport ajoutent que l’Islam «ne peut être compris hors de son contexte historique», d’où l’importance du concept de l’ijtihad, qui «adapte les préceptes de l’islam à la réalité vécue».

La COLIBE rappelle par ailleurs que dans le coran, seuls les parents, les filles et fils, et les frères et soeurs sont cités comme héritiers. «Pourtant, les scientifiques ont fait hériter les grands-parents, les oncles et les petits-fils», soulignent les auteurs du rapport.

Créée le 13 août 2017, par Béji Caïd Essebsi, la COLIBE avait pour mission de contribuer à l’état des libertés individuelles et de l’égalité en Tunisie à travers la préparation d’un projet de réforme conformément aux impératifs de la Constitution de 2014 et des standards internationaux des droits de l’homme.

«Je propose de faire de l’égalité dans l’héritage une loi», a déclaré le président tunisien le 13 août 2018 dans un discours télévisé à l’occasion de la journée de la femme tunisienne, qui coïncide également avec le premier anniversaire de la création de la COLIBE. Ce texte devrait être présenté aux députés dès la fin des vacances parlementaires. La COLIBE, après plusieurs mois de consultation avec la société civile et les partis politiques, a également proposé de dépénaliser l’homosexualité, mais aussi d’abolir la peine de mort.

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