En novembre 2017, le président de la Chambre des conseillers, Hakim Benchamach avait saisi le Conseil économique social et environnemental (CESE) pour « apporter sa contribution à la réflexion autour d’une nouvelle impulsion à donner à la politique publique en faveur de la jeunesse ». Dans un document de 47 pages, rendu public début août, le Conseil présidé par Nizar Baraka propose une « nouvelle initiative nationale intégrée pour la jeunesse marocaine ».
Mais, dans son rapport, le Conseil tient d’emblée à prévenir que « les travaux du CESE n’ont pas vocation à se substituer à ceux des acteurs institutionnels en charge de la réalisation de la stratégie intégrée de la jeunesse, en cours d’élaboration, en particulier, par le département de tutelle ». Son « ambition » est plutôt celle de « proposer une plateforme articulée autour de domaines stratégiques clés » destinée aux jeunes, âgés de 15 à 34 ans.
Les jeunes « marginalisés »
Le but de la démarche est aussi d’améliorer le « niveau du bien-être » de cette partie de la population marocaine. Selon le CESE, les jeunes de cette tranche d’âge (15 à 34 ans), qui représentent près du tiers de la population totale du Maroc, « sont restés pour la plupart en marge de la croissance économique soutenue qu’a connue le pays au cours des dix dernières années, sans bénéficier équitablement des progrès économiques induits par cette dynamique de croissance ».
Le CESE relève notamment que le décrochage scolaire concerne deux jeunes sur trois. Ceux qui travaillent sont assujettis à 50% à des bas salaires, quand 20% de la « population jeune » est au chômage.
72% du temps des jeunes est consacré à « des activités non productives de bien-être social », et 82% d’entre eux n’exercent aucune activité. Du point de vue de la santé, 75% des jeunes n’ont pas de couverture sociale, alors qu’un jeune sur cinq souffre de troubles psychologiques.
Et, s’ils veulent que ça change, ce n’est pas par la politique que cela se fera : seulement 1% des jeunes adhèrent à un parti politique ou à un syndicat. Ils sont en revanche 10 à 15% à participer à la vie associative.
Selon le rapport, « l’accès à une éducation/formation de qualité et à des services de santé appropriés demeure au centre des préoccupations de la jeunesse marocaine ». En matière d’éducation, « le décrochage et les déperditions scolaires, les inégalités entre offres publique et privée, une orientation des jeunes vers des études qui ne leur permettent pas d’acquérir des connaissances en mesure de préparer leur avenir, continuent à constituer des entraves au droit à l’éducation pour tous et à toutes les échelles territoriales ».
Concernant les services de santé, « en plus des disparités dans l’accès aux soins de base et à des soins de santé de qualité », des préoccupations persistent concernant « certains fléaux » comme « l’addiction aux drogues, le tabagisme, le suicide… mais aussi celui de la santé mentale qui demeure un véritable problème de santé publique ».
Les « inégalités relatives au genre et au milieu de résidence (rural, urbain et périurbain) continuent de constituer des problématiques majeures » pour ces jeunes, tout comme « leur quasi-absence » de la vie politique.
La sexualité est « fondamentale » pour les jeunes
Le rapport du CESE s’intéresse également à la sexualité des jeunes Marocains, « fondamentale aussi bien pour la santé physique que mentale ». Mais, au Maroc, celle-ci a « souvent été appréhendée comme une affaire médicale (hygiène, prévention…), ou sécuritaire (répression des violences). Or, la sexualité des jeunes ne se limite pas à des affaires de mœurs ou de violence ».
Le Conseil économique et social souhaite qu’un « regard nouveau » puisse ainsi être porté à la question, tout en prenant compte la réalité marocaine. « Encore aujourd’hui, les sciences du psychisme ont le monopole de la parole sur la sexualité des jeunes, avec un regard souvent normatif et prescriptif. La perspective historique et les enjeux sociologiques devraient permettre de mieux appréhender et comprendre les identités, pratiques et représentations liées à la sexualité juvénile, en fonction aussi de rapports tels que l’âge ou la religion », estime le CESE.
Pour remédier au « mal-être » des jeunes Marocains, le CESE a défini trois principes directeurs, à savoir : « La participation des jeunes dans la prise de décision, l’équité et égalité des chances entre les jeunes citoyennes et citoyens, une gouvernance cohérente et intégrée aux niveaux national et territorial ».
L’objectif étant « d’apporter, dans la durée, des réponses aux attentes légitimes des jeunes d’une vie digne, de justice sociale, d’équité et d’une participation active à la dynamique de développement, où chacun aurait la possibilité de libérer ses énergies et de réaliser son plein potentiel dans le cadre de l’égalité des chances et des opportunités ».
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