Je ne rêvais pas d’être adoul”, explique Amina El Krimi, 31 ans. Et pour cause, il y a encore quelques mois, la profession était réservée à la gent masculine. “Avec ma licence en poche, je ne pouvais pas faire grand-chose d’autre que de donner des cours particuliers aux élèves en besoin, sans un horizon clair”, poursuit la jeune femme.
Le 21 juillet, lorsque le ministère de la Justice a rendu publics les résultats du concours d’adouls, son horizon s’est pourtant éclairci. Amina El Krimi se classe dans le top 3 des 800 lauréats au concours, le premier qui compte des lauréates. Sur 18.448 candidats, 7.642 étaient des candidates, et 299 d’entre elles deviendront donc auxiliaires de justice après les instructions de Mohammed VI en janvier d’ouvrir la profession aux femmes.
Alors qu’elles attendent de commencer leur cycle de formation de neuf mois, dont la date n’est pas encore connue, trois nouvelles adouls nous racontent leur parcours et leurs motivations à exercer ce métier jusqu’alors réservé aux hommes.
De la physique nucléaire à la charia
Pour la brillante Amina El Krimi, les études supérieures avaient démarré loin du droit, en licence fondamentale, option physique nucléaire, à l’Université de Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès. La Fassie rebrousse chemin en 2014 en passant les examens du baccalauréat de lettres. “C’est mon père qui m’a encouragé à faire autre chose et m’a vendu la filière de la charia à la fac”, explique-t-elle.
Toujours à la faculté, elle est inscrite en master Justice de la famille. “Mes anciennes études de physique nucléaire m’inspirent dans ce que je fais actuellement en termes de raisonnement et de logique”, assure la scientifique devenue juriste.
C’est de nouveau son père qui l’incite à passer le concours d’adoul. “C’est dans la lignée de ce que j’étudie à la fac, mais je voulais surtout me tester avec ce concours”, poursuit-elle. Un concours national qu’elle a donc bravé en décrochant l’un des trois prix d’excellence.
La dernière chance
Pour Lamiaa Douri, 41 ans, ce concours était l’ultime opportunité de devenir fonctionnaire. Bachelière en lettres modernes en 1997, elle a ensuite enchaîné avec deux licences : la première en droit privé en 2002 et la seconde en droit islamique en 2017. “Entre temps, je devais rester à la maison pour éduquer mes enfants”, explique-t-elle.
“À chaque fois qu’un poste de fonctionnaire se présente, je candidate. Vu mon âge, il ne me restait plus beaucoup de temps pour postuler dans le secteur public. Quand j’ai entendu parler de la décision royale sur les adouls, je me suis lancée”, raconte cette mère de trois enfants installée à Agadir.
C’est là qu’elle comprend en quoi consiste la profession des Adouls. “Pour moi, les adouls étaient des imams”, nous dit-elle. Avec le “soutien” de son mari, Lamiaa Douri a préparé le concours en relisant ses cours de licence, mais aussi via un groupe WhatsApp dédié aux concours des adouls.
“La documentation je l’avais, mais c’est bien le travail de groupe qui m’a le plus apporté. Sur ce groupe, nous discutions des thèmes susceptibles de tomber au concours”, explique-t-elle. Et d’ajouter : “de ce groupe virtuel, je ne connaissais personne dans la réalité. Dieu merci, nous avons toutes réussi le concours, tant l’écrit que l’oral”.
Aussitôt acceptée au concours, la mère de famille s’est empressée de rentrer de plain-pied dans sa nouvelle aventure, en décrochant un stage dans un cabinet d’adouls. “Je suis motivée. J’investirai mon énergie, et je tâcherai d’honorer le serment que je vais prêter”, s’enthousiasme celle qui malgré une double licence n’a jamais eu de réelle expérience professionnelle.
Dans les starting-blocks
Wiam Dadi, 27 ans, originaire de Drouich, a également préparé son concours grâce à un groupe WhatsApp modéré par un adoul.
Bachelière en lettres en 2008, elle a suivi un cursus de droit privé à l’université Moulay Ismaïl de Meknès. Sa licence en poche, un concours lui permet d’accéder à un master spécialisé en foncier et urbanisme, dans la même Université.
Contrairement à sa consœur qui ne connaissait pas le métier, Wiam Dadi savait précisément à quoi elle devait s’attendre. “J’ai fait plusieurs stages dans des cabinets d’avocats et d’adouls où j’ai participé de près et de loin au traitement des dossiers”, nous dit-elle.
Quoiqu’expérimentée dans le métier, Wiam Dadi n’envisageait pas de devenir adoul, compte tenu de la barrière du sexe. “C’est une porte qui va permettre de mettre les femmes et les hommes au même niveau. C’est autant un honneur qu’un devoir”, assure-t-elle.
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