Si la CDG a choisi de s’associer avec Vichy Spa International pour donner une dimension luxueuse à sa nouvelle station thermale de Moulay Yacoub à Fès, l’établissement public a opté pour une approche nettement différente pour réhabiliter son complexe thermal de Sidi Harazem situé dans la même ville.
Porté par l’architecte Aziza Chaouni, ce projet ambitionne de redonner vie à la station en impliquant les habitants du village voisin de Skhinate, les commerçants informels occupant une partie de la station ainsi que des artistes pluridisciplinaires. Auparavant déserté, l’espace grouille désormais de vie.
Tombé en ruine
C’est dans les années 50 que la station thermale de Sidi Harazem a été commandée à l’architecte français Jean-François Zevaco. L’architecte conçoit, et livre en 1960, un espace décrit par les spécialistes « ingénieux », au style « brutaliste » et « poétique » où eau et béton se croisent. Le complexe thermal, doté d’un hôtel, de bungalows, de piscines et d’une cour centrale, parvient à attirer des visiteurs durant deux décennies.
« Avec le temps, l’espace s’est dégradé… et malgré des tentatives ratées de rénovation dans les années 2000 notamment de l’hôtel, ça tombait en ruine. Il fallait réagir, car cette station est un joyau de l’architecture moderne au Maroc et c’est dommage de la laisser à l’abandon » nous explique Aziza Chaouni. Et si dans un premier temps, la CDG n’a pas été réactive face à l’urgence de réhabiliter et mettre en valeur ce lieu, « les responsables ont finalement changé de regard sur la valeur architecturale et historique de cet espace ».
La fondation Getty à la rescousse
C’est en 2017 que débute le projet de restauration. Cette année-là, Aziz Chaouni parvient à convaincre les propriétaires du lieu de soumettre un projet dans le cadre programme de soutien « Keeping It Modern » de la fondation Getty pour la conservation des projets architecturaux modernes. Conçu par Aziza Chaouni, le projet sera retenu par la fondation américaine qui lui accorde une subvention de 150 000 dollars.
Une somme qui permet à l’architecte d’initier les travaux de l’étude de réhabilitation de la station thermale de Sidi Harazem pour lesquelles elle s’adjuge les services d’un cabinet d’ingénierie étranger. Dans le même sens, Aziza Chaouni sollicite l’expertise d’un laboratoire de topographie local et recrute la vidéaste Andrea Muscurel pour suivre les différentes étapes du projet.
En plus du volet technique, l’étude comprend un travail de recherche revenant sur l’historique de cette station. « On voulait retracer l’historique, mais aussi la partie technique du lieu et ce n’était pas facile, car les documents étaient éparpillés un peu partout dans le monde ».
Au niveau de la CDG, Aziz Chaouni a trouvé des correspondances avec l’architecte, des préétudes datant du 1959, mais « très peu de plans » de la station. Du côté de l’Hexagone, des archives sont piochées au Fond régional d’art contemporain d’Orléans. « Ce n’était pas facile, car les archives n’étaient pas répertoriées », se souvient l’architecte. La surprise viendra de l’École nationale d’architecture de Rabat où les équipes du projet de réhabilitation retrouvent des documents inédits, dont des plans, jamais ouverts depuis le temps.
Projet collaboratif
Pour donner une dimension participative au projet, l’architecte a eu l’idée d’impliquer les habitants du village avoisinant et de faire appel à des artistes de disciplines différentes pour réfléchir à la portée historique, architecturale et humaine de cette station thermale, unique en son genre.
Des ateliers ont été menés auprès des habitants du village voisin de Skhinate. Certains d’entre eux avaient dû être déplacés dans un terrain voisin à la station pour permettre sa construction. « Il est plus important pour nous de travailler aux côtés des habitants du village que de construire un hôtel cinq étoiles » résume Aziza Chaouni.
Les équipes de Aziza Chaouni se sont également entretenus avec les marchands ambulant opérant autour de la station pour comprendre leurs besoins et donner leur avis sur le projet. « Au cours de nos rencontres, ils ont à titre, par exemple, proposé de mettre en place une pharmacie, un espace de jeu pour enfants. Nous n’y avions pas pensé ! » se souvient l’architecte.
Repenser Zevaco
Plusieurs artistes ont été conviés il y a un mois pour prendre part à des workshops sur le projet de Sidi Harazem. L’idée étant qu’ils réalisent des interventions collaboratives in situ. La photographe, Laila Hida travaille sur l’économie informelle créée autour de la station. Un autre photographe, M’hammed Kilito, lui, centrera ses travaux sur la jeunesse du village de Skhinate.
L’architecte Zineb Andress Araki explorera la perception de l’architecture de Zevaco par les habitants. Le duo composé de la chercheuse et curatrice Léa Morin et du plasticien Mohamed Fariji érigeront un musée collectif de Sidi Harazem. L’artiste sonore Abdellah Hassak a, lui, décidé de mettre en place une radio éphémère au cœur du complexe thermal.
« Dans un premier temps, les habitants du village seront invités à raconter comment ils se sont appropriés ce lieu et de leur rapport avec lui. La deuxième étape du projet sera de créer un débat autour de ces récits. Et l’étape finale sera de restituer les différentes histoires racontées en une installation sonore diffusée dans la station » nous détaille Abdellah Hassak.
Fatima Zahra Morjani, qui a rejoint ce groupe d’artistes, travaille sur le traumatisme du déplacement des habitants. La restitution de l’ensemble des travaux se fera au printemps 2019 dans l’espace d’exposition de la fondation CDG à Rabat. L’étude de la réhabilitation de la station sera finalisée en décembre 2018 et les travaux peuvent commencer à partir du début de l’année 2019 espère Aziza Chaouni
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