C’est en 1962 que l’Etat crée la Société des industries mécaniques et électriques de Fès (Simef). Placée sous la tutelle de l’Office de développement industriel, l’usine est composée de deux unités industrielles : une cartoucherie et une manufacture d’armes. Cartouches de divers calibres, dont certaines destinées aux fusils de chasse, carabines et mitraillettes sont fabriquées à Fès, dans le cadre d’une collaboration avec l’entreprise italienne La Fabbrica Macchine Industriali et avec le célèbre fabricant d’armes, Beretta.
En 1971, le destin de l’usine bascule. Au lendemain du coup d’Etat de Skhirat, la Simef change d’activité et se consacre au montage de moteurs de motocycles diesel et de motopompes. C’est à cette époque qu’un certain Hamid Chabat est recruté pour y travailler et c’est là où il fera ses premiers pas de syndicaliste. Celui qui deviendra maire de Fès se souvient : « Le directeur de l’usine était encore à notre époque un colonel de l’armée». Durant cette période, l’usine est florissante. Elle fabrique des pompes de marque allemande ainsi que le cyclomoteur Peugeot 103. « Nous exportions vers des pays africains, et plus particulièrement vers la Tunisie », se souvient encore l’ancien patron de l’Istiqlal.
Privatisation désastreuse
Durant les années 1970, l’usine dénombre près de « 500 cadres hautement qualifiés et comptait parmi les rares entreprises publiques bénéficiaires », assure Hamid Chabat. Mais, la décennie suivante est marquée par une vague de privatisation des entreprises étatiques. A l’issue d’une longue bataille avec les syndicats, 10% du capital de la Simef est cédé, sans contrepartie, aux employés de l’entreprise. Les 90% restants sont revendus à un consortium composé d’Alexis International de Belgique (30%), de la société Manufacture National de Cycles (MNC) – appartenant à la famille Bensalah (25%) – , de Cycap Trading (25%), de la Société Vélomoto de Tunisie (5%) et de Mohamed Belghandouria, directeur général (5%). Prix de vente : un dirham symbolique. « Les machines utilisées par l’usine valaient à elles seules entre cinq et six millions de dirhams », s’indigne encore Hamid Chabat.
Si cette vente devait marquer le début d’une nouvelle ère pour la Simef, elle ouvre en réalité la voix à une longue crise pour l’usine fassie. La société industrielle s’enfonce dans le rouge et en 1998, le gouvernement lance une procédure judiciaire contre ses actionnaires. Le motif ? Le consortium n’a pas respecté ses engagements. Les repreneurs devaient, d’après le contrat de cession, investir 22 millions de dirhams sur trois ans, lequel investissement n’a jamais été réalisé.
Clap de fin
Le 9 juin 2004, l’usine est placée en liquidation judiciaire. Pour les 240 cadres, employés et ouvriers mis à la porte, une convention de réconciliation est signée avec l’Etat en 2006. Un don de 14 millions de dirhams au titre des salaires non versés leur sera octroyé.
Le fonds de commerce (un terrain de 11 hectares environ), ainsi que les actifs immobiliers de la société seront mis en vente dès octobre prochain pour des prix de départ respectifs de 57 et 131 millions de dirhams. « On aurait pu en faire un grand musée. D’autant plus que les stands de tir et les machines pour fabriquer les armes sont encore dans l’usine. Malheureusement, le gouvernement n’a montré aucune volonté pour conserver ce pan de l’histoire de Fès », se lamente Hamid Chabat.
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