Le constat est sans appel : l’enseignement supérieur marocain est asphyxié, mais surtout impuissant. C’est ce qui ressort du rapport de l’Instance nationale d’évaluation (INE), organe présidé par Rahma Bourqia et relevant du Conseil supérieur de l’enseignement.
Le document a été présenté le 18 juillet. Dans son « Évaluation de l’enseignement supérieur », l’INE tire la sonnette d’alarme sur la situation de l’université marocaine, particulièrement au sujet des établissements à accès ouvert (facultés des sciences juridiques, économiques et sociales, facultés des lettres et des sciences humaines, facultés des sciences, facultés polydisciplinaires), faisant état d’une « massification » couplée à une faiblesse de l’encadrement.
Congestion
Lors de l’année universitaire 2016/2017, les 56 établissements à accès ouvert ont accueilli l’écrasante majorité des étudiants (684.718, soit 88,3%) du secteur public, contre seulement (96.783, soit 11,7%) pour les 68 établissements à accès régulé (facultés de médecine, écoles d’ingénieurs, écoles nationales de commerce et de gestion…).
Une congestion d’autant plus flagrante lorsqu’on observe les taux d’encadrement. Dans les établissements à accès ouvert, il existe 57 étudiants pour chaque professeur. Cinq fois plus qu’en Tunisie (10), deux fois plus qu’en Inde (24) et presque quatre fois plus que dans nos établissements à accès régulé (15).
Dans les facultés des sciences juridiques, économiques et sociales (FSJES), ce chiffre monte jusqu’à 173, alors qu’il n’était (que) de 130 en 2012/2013. Pire encore, dans les FSJES, il existe une place pour 262 étudiants. Dans les facultés de lettres, il faut compter 247 étudiants par place, et 160 par place dans les facultés de sciences.
Pour évaluer l’efficacité des établissements à accès ouvert, l’INE a analysé les données de six promotions (2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012) inscrites en licence fondamentale dans trois universités, ce qui correspond à 27% du total des étudiants marocains. Sur la promotion inscrite en 2007, seulement 32% ont obtenu leur diplôme, alors que 65,7% ont abandonné leur cursus.
En cinq ans, le taux de réussite a baissé à 27,6%, tandis que le taux de décrochage s’est stabilisé à 53,7%. « Un chiffre tout de même affligeant« , a commenté Rahma Bourqia, directrice de l’INE, imputant ces scores à « l’augmentation importante du total des étudiants de l’université publique » et à « la baisse des ressources fournies aux universités depuis 2010/2011« .
Un financement à revoir
Sur le volet financier, Rahma Bourqia a regretté que « l’on dépense énormément plus sur les décrocheurs que sur les lauréats« . Et pour cause, 1,2 milliard de dirhams ont été déboursés pour les étudiants qui n’ont toujours pas obtenu de diplôme et qui sont toujours inscrits en 2017/2018, soit deux fois plus qu’en faveur des lauréats (515 millions de dirhams). La présidente de l’INE a également indiqué que 60% du budget des universités s’écoule en masse salariale, ce qui selon elle réduit les capacités financières en matière d’investissement en recherche scientifique, matériel pédagogique…
Parmi les tares reprochées à l’université marocaine, Rahma Bourqia a mentionné « l’insuffisance de passerelles entre les différentes filières et la faiblesse de l’orientation et de la réorientation« . En d’autres termes, l’étudiant se retrouve bloqué dans la filière initialement choisie, sans possibilité de changer de cap en cours de route. Elle a également noté « les limites démontrées par le système Licence-Master-Doctorat instauré depuis 2004« , et elle recommande de le renforcer par le biais d’un système de crédits (chaque cours réussi équivaut à un nombre de points).
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