Ce que dit le rapport de Moussa Faki Mahamat sur le Sahara

Dans son rapport sur le Sahara, le président de la Commission de l’Union africaine suggère la création d’un mécanisme africain visant à soutenir les efforts des Nations Unies dans sa recherche d’une solution au conflit du Sahara. Celui-ci pourrait prendre la forme d’un panel de haut niveau incluant la troïka de l’Union.

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Le président de la commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat. Crédit: AFP

C’est ce dimanche 1er juillet que le président de la commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a présenté son rapport tant attendu sur le Sahara.  Un document dont TelQuel détient copie et essentiellement consacré aux consultations menées par l’ancien chef de la diplomatie tchadienne auprès des deux parties impliquées dans le conflit dans le but de s’ « informer de l’évolution de la situation (au Sahara, ndlr) » et d’avoir « une meilleure compréhension » des positions du Maroc et du Polisario. Le rapport suggère également des pistes concernant l’implication de l’UA dans la résolution du différend régional.

Plan d’autonomie contre « frustration » et « impatience »

Dans le cadre de sa tournée de consultation, Moussa Faki Mahamat s’est rendu les 5 et 6 juin à Rabat pour y rencontrer le roi Mohammed VI et le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita. A cette occasion, le souverain et le diplomate ont (ré) affirmé le « rôle central des Nations unies dans le conduite du processus de négociation ». Ils ont également mis en garde « contre les risques d’un processus parallèle » sachant que l’UA s’est, selon eux, elle-même « exclue » des efforts de recherche d’une solution au conflit en reconnaissant la RASD.  Pour le Maroc, cette prise de position signifie que l’organisation panafricaine a déjà tranché sur une question que l’ONU s’emploie actuellement à résoudre. Il ressort également du rapport de Moussa Faki Mahamat que Rabat n’exclut pas une implication de l’UA dans la résolution du conflit du Sahara à condition que la primauté des Nations Unies dans ce dossier ne soit pas remise en cause.

Deux semaines après sa visite à Rabat, le président de la Commission de l’UA s’est rendu à Tindouf pour y rencontrer les dirigeants du Polisario. A cette occasion, les représentants du mouvement séparatiste ont souligné leur « disponibilité à engager immédiatement des négociations directes » avec le Maroc auquel ils imputent toutefois le status quo dans lequel se trouve la résolution du conflit. Lors de leurs entretiens avec le responsable de l’UA, les dirigeants du Polisario ont également suggéré une escalade des tensions en affirmant qu’il leur sera difficile de contrôler la « frustration » et l’ « impatience » des jeunes ayant grandi dans les camps de Tindouf.

Dans son rapport, le président de la commission de l’UA rend également compte de ses rencontres avec les responsables des pays voisins que sont l’Algérie et la Mauritanie. Si, à cette occasion, Alger a réaffirmé son attachement au principe d’autodétermination, Nouakchott a, de son côté, réitéré sa position de « neutralité constructive » affirmant soutenir « toute solution qui conviendrait aux parties ». Pour Moussa Faki Mahamat, les deux pays peuvent jouer un « rôle crucial » dans la résolution du conflit. La Mauritanie, mais aussi l’Algérie sont « exhortés » à « soutenir activement » la relance du processus de négociation.

Vers une implication de la troïka ?

Dans la dernière partie de son rapport, Moussa Faki Mahamat présente ses recommandations quant à l’implication de l’UA dans la résolution du conflit du Sahara. A ce sujet, il affirme que l’organisation panafricaine « devrait viser à accompagner et à soutenir les efforts des Nations Unies ». Il reconnait ainsi la primauté du processus onusien qui fait office de référence puisque le texte évoque un appui « aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité » dans son 21ème paragraphe. Dans ce sens, l’ancien diplomate tchadien affirme qu’un « mécanisme africain à même de permettre à l’UA d’apporter un appui efficace » au processus onusien doit être mis en place.  Ce mécanisme rendrait directement compte à la Conférence de l’Union africaine (composée des chefs d’Etat) et, si besoin est, au Conseil de paix et de sécurité au niveau des chefs d’Etats et de gouvernement. Une proposition qui exclut de facto toute intervention des représentants permanents dans le dossier du Sahara ainsi que le Commissaire paix et sécurité de l’UA, Smail Chergui. Elle reflète également la position du Maroc quant à l’implication de l’UA dans la résolution du différend régional.

Moussa Faki Mahmat suggère trois pistes pour la mise en place de ce mécanisme de soutien. La première consiste en la création d’un comité ad hoc comme le dispose une résolution adoptée par l’Organisation de l’Unité africaine en 1978 et dont la réactivation a été suggérée dans une décision adoptée en juillet 2017 lors du 29e sommet de l’UA. Ce comité ad hoc serait composé d’au moins cinq chefs d’Etats membres de l’Union ainsi que du président en exercice de l’organisation panafricaine. Une autre piste suggérée pour la mise en place de ce mécanisme est la constitution d’une délégation de haut niveau composée du président de l’Union et du président de la Commission. Enfin, Moussa Faki Mahamat suggère également la création d’un panel de haut niveau incluant la troïka de l’Union (le président en exercice de l’Union, son prédécesseur et son successeur). Selon une source diplomatique marocaine, le Royaume voit d’un bon œil cette dernière option.

Autre recommandation formulée par le président de la Commission de l’UA, l’ouverture d’un bureau de l’UA auprès de la Mission des Nations Unies au Sahara (Minurso) à Laâyoune dans le but « d’assurer une liaison opérationnelle avec l’ONU ». Selon nos informations, le Maroc ne semble pas disposé à accepter la création d’un tel bureau. La dernière recommandation formulée par Moussa Faki Mahamat dans son rapport est l’envoi d’un « message clair » des chefs d’Etats de l’Union pour signifier aux deux parties impliquées dans le conflit que l’agenda de l’UA ne doit pas être entravé par leurs tensions.

A noter que la présentation de ce rapport ne signifie pas pour autant son adoption par l’UA. Le texte peut encore faire l’objet d’amendement en vue de l’éventuelle adoption d’une résolution par la Conférence de l’Union africaine.

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