Recep Tayyip Erdogan, le chef d’Etat turc, achève sa course aux pleins pouvoirs : il est réélu au premier tour des élections présidentielles du 24 juin. L’homme, à la tête du pays depuis 15 ans, inaugure une nouvelle « hyperprésidence » grâce à la révision constitutionnelle de 2017 qui lui donne des pouvoirs renforcés. Il obtient 52,5% des voix selon l’AFP.
Erdogan, fin stratège, indissociable de l’AKP, le parti de la Justice et du développement, a soigneusement labouré le paysage politique turc afin d’obtenir cette victoire. Dans cette perspective, il a conclu une alliance avec le parti d’extrême droite, le parti d’Action nationaliste (MHP), les « Loup gris » qui revendiquent un nationalisme turc pur et dur.
Le parti nationaliste turc, MHP
Le Parti d’Action nationaliste (MHP), fondé en 1969 par Alparslan Türkeş, place le panturquisme -la réunion de tous les peuples turcs dans une entité politique unifiée -, au premier plan de sa doctrine. Le parti se positionne radicalement contre tout particularisme comme celui revendiqué par les Kurdes vivant en Turquie.
Animal emblématique de la turcité depuis l’antiquité selon le chercheur Michel Bozdemir, le loup est devenu une référence incontournable du Parti d’Action nationaliste. Les militants extrémistes se reconnaissent par leur singulière façon se saluer de la main : l’index et le petit doigt relevés, tandis que le reste des doigts sont regroupés au centre. Une symbolique forte : le petit doigt pour la turcité, l’index pour l’Islam et entre les deux, les trois derniers doigts joints qui représente le monde, l’ensemble représentant la gueule d’un loup. Ainsi s’explique le nom donné aux partisans de cette formation, « les loups gris ».
Les Loups, des alliés fidèles
L’AKP, parti islamiste « modéré » constitue la majorité au parlement depuis le début des années 2000 et sert les ambitions d’un homme, le président Recep Tayib Erdogan. L’opposition à ce parti-bulldozer s’incarne avant tout dans le parti de centre gauche Parti Républicain du Peuple (CHP), héritier du kémalisme et le nouveau parti HDP, fondé en 2015, qui porte la voix des exclus de l’AKP, notamment des Kurdes, des femmes et progressistes. Le MHP ne se place avant ces dernières élections qu’en quatrième force au Parlement.
Face à la tentative de renversement de son pouvoir le 15 juillet 2016, le Président Erdogan resserre son emprise sur le pays. Dans ce but, il procède à une révision de la Constitution au printemps 2017 qu’il obtient de justesse grâce au soutien qu’il négocie avec le MHP. Poursuivant cette voie autoritaire, Erdogan n’hésite pas à flirter dans les media avec le leader du parti d’extrême-droite, Devlet Bahçeli. Les noces entre les deux partis sont conclues définitivement à l’occasion de la campagne de 2018 pour les élections présidentielles et législatives.
Une alliance entre islamistes et extrémistes nationalistes
Aujourd’hui, à l’issue des élections, le tableau des forces en présence a connu de nouveaux changements.
Erdogan sorti victorieux du scrutin, le MHD a gagné en galons : devenu la troisième force du pays, sa présence sur la scène politique se normalise grâce à son alliance avec le parti présidentiel. Aux législatives, organisées en simultanées avec l’élection présidentielle, le MHP obtient 11% des suffrages. Le MHP autrefois cavalier seul est ainsi devenu compagnon de route essentiel à l’AKP.
A eux deux, AKP et MHP constituent une majorité absolue (339 sièges sur 600 députés). Ils forment une synthèse originale, « turco-islamique » : l’un revendiquant l’islamisme, l’autre la turcité comme ligne politique dominante. Par conséquent, cette coalition est hostile envers les citoyens non-turcs ethniques, majoritairement Kurdes, qui représentent 1/5ème de la population du pays.
Au regard de cette nouvelle configuration, la coalition formée autour du CHP a remporté 30% des voix et le HDP a gagné près de 10% des sièges. Ces deux partis forment donc la nouvelle opposition.
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